Totémisation

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Un vieux chef Sioux

La totémisation au sens scout du terme, consiste à donner à quelqu'un, au cours d'une cérémonie un nom d'animal (ou autre), avec ou sans autres qualificatifs. L'ensemble : nom, adjectif, lieu est appelé totem. La cérémonie et le totem marquent un rite de passage et le renforcement de l'intégration au groupe, ce peut être aussi le symbole d'un engagement à de nouvelles responsabilités. Dans certains pays francophones la totémisation s'applique également au choix du nom d'animal servant à désigner un groupe de scouts: les hirondelles, les loups etc.


Circle-icons-magnifyingglass.svg Voir l’article détaillé : totémisation (cérémonie)



Rappel Historique

La totémisation est une pratique ancestrale des indiens d'Amérique. Elle est toujours liée à un rite initiatique. Bien avant l'apparition du scoutisme en 1907, B.P fut surnommé d'un totem "Impeesa" par les Matabeles en Afrique en 1896 : cependant on ne peut parler de totémisation car il n'y a pas eu de rite initiatique.

La totémisation est pratiquée en France avant 1914 par les initiateurs du scoutisme alors neutres ou protestants. A partir de 1920, elle se popularisera et se développera rapidement dans l'ensemble du scoutisme Français notamment sous l'impulsion du commissaire catholique Scout de France Paul Coze.

Paul Coze dès son plus jeune âge est fasciné par les Peaux-Rouges. En 1912, il pratique le scoutisme en Egypte alors sous mandat britannique : c'est pour lui une façon de vivre dans la nature à la manière des indiens. De retour en France en 1914, c'est l'un des premiers scouts catholiques au coté du Chanoine Cornette. En 1920, alors devenu Commissaire, il rencontre des chefs américains (Lorne Barclay, le Dr d'Elisçu) dont un amérindien au camp interfédéral de Francport (du 16 août au 19 septembre 1920). Cet instructeur amérindien lui fait découvrir les techniques du feu, le camouflage, le suivi de piste... Cette rencontre est décisive, Paul Coze est charmé et convaincu que le scoutisme Français doit s'inspirer des techniques indiennes. Il deviendra rapidement un spécialiste de la culture indienne grâce à de nombreux voyages aux Etats-Unis et fera profiter le scoutisme Français de ses découvertes (techniques, chants, danses, totémisation,...)

Le principal introducteur de l'indianisme chez les Eclaireurs de France fut Jean Loiseau qui participa à la première session de ce camp et sera finalement contraint à quitter son association. Dans beaucoup de pays francophones la totémisation a connu un grand succès, bénéficiant d'un statut presque officiel.

Limites et remise en question

Les vieux sachems évoluant dans une complète confidentialité formaient une organisation parallèle au scoutisme des mouvements. La totémisation et son ordre secret ont réellement passionné certains jeunes scouts.Souvent, ils étaient plus motivés par la conquête du titre de sachem et le " peau rougisme" que par leur BA quotidienne et l'application de la méthode scoute.

On reprocha ainsi à la totémisation d'être passée d'un jeu scout honorable en 1928 à une organisation secrète parallèle au scoutisme dans les années 40 avec les possibilités de dérives que cela comporte (les rites initiatiques devenaient parfois de vraies séances dégradantes ou humiliantes). Parallèlement étaient nés des groupes comme les "foulards de sang" qui utilisaient certaines pratiques de la totémisation mais dont le fonctionnement était basés sur celui de la chevalerie.

La possibilité de dérives de toutes natures interpellait les différents mouvements qui s'efforcèrent soit de changer la nature de la totémisation soit de la proscrire officieusement.

Situations actuelles

En France, à la suite de la loi de 1998 intégrée à l'art.225-16-1 du Code Pénal sur la répression du bizutage, certains mouvements français directement concernés par la "totémisation dure" ont du officiellement prendre position. Mais elle est encore largement répandue en Belgique, en Suisse et au Canada francophone, sous une forme cérémoniaire sensiblement différente et sans doute plus transparente qu'en France.

Par ailleurs elle est presque officielle en Italie. Le site de l'association des guides et scouts catholiques italiens (AGESCI) indique que dans certaines unités elle est vécue comme mode d'intégration: «la cérémonie est un moyen plaisant de rappeler les preuves de courage du garçon qui entre dans la tribu. ce peut être un jeu de Kim, une veillée avec déguisements, un récit mimé de chasse, une quelconque saynete expressive. c'est un moment secret de la tribu, les pieds tendres (= les papooses) n'y sont pas invités». Cependant en Italie le risque de dérives est également noté.

Dans certains mouvements français modernes la tot' est tolérée (EEUdF,EEIF, EEdF ) mais dans tous les cas il s'agit d'une "totémisation douce". Dans les trois associations catholiques reconnues par l'État, malgré les prohibitions officielles ou tacites, la totémisation persiste mais les formes "dures" déclinent ou ont en fait disparu. Reste que dans certains petits mouvements, les sachems peuvent couvrir des pratiques condamnables, tandis que chez les SUF ou l'AGSE, les totémisations interdites sont souvent pratiquées en dehors du cadre du mouvement.


Circle-icons-magnifyingglass.svg Voir l’article détaillé : Mouvements et totémisation



La totémisation parait subsister sous une forme plus ou moins traditionnelle dans plusieurs pays hispanophones. Une autre piste est celle de l'Order of the Arrow des Etats Unis réservée à des scouts plus âgés avec une organisation officielle tout à fait transparente, des cérémonies fortement marquées par l'indianisme et un souci de service aux scouts plus jeunes.

La discussion sur la totémisation en France n'est pas close, resterait à débattre des formes d'une totémisation nouvelle et sans risque mais l'intérét pédagogique d'une telle mesure est controversé.


Circle-icons-magnifyingglass.svg Voir l’article détaillé : Réflexions sur la totémisation



Ce que pensent les grands chefs scouts de la totémisation

Baden-Powell

"Je prétends qu'un garçon pour devenir un vrai scout, suivant l'idéal tracé par le chef, n'a nullement besoin de recevoir un nom. Il n'est pas indispensable qu'il s'appelle Tigre Bleu ou Loup Vert, ni qu'il porte une robe bigarré au lieu de la chemise scoute et des plumes dans les cheveux... Rêver que vous êtes un scout me paraît contenir plus d'idéal et de romanesque, plus de pensées pratiques de dévouement et de bonheur que de rêver que vous êtes Peau-Rouge." Headquarters Gazett, novembre 1919.

Père Jacques Sevin

"Si je soutiens l’ indianisme, nos preux chevaliers vont, d’un geste dédaigneux, reléguer mes plumes d’aigle au fond des costumiers de mélodrame, et si je déclare que le Peau-Rouge n’est pas le dernier mot du scoutisme et de la civilisation, je vois déjà les tomahawks s’abattre sur mon cuir chevelu (…) Je réponds carrément à ta question : non, l’ Indien n’est pas le Premier Scout. Il ne l’est ni pour le corps, ni pour ses vertus morales, ni par ses qualités physiques." "Sans doute, depuis Fenimore Cooper et les récits de Buffalo Bill, une certaine littérature de jeunesse nous a inondés de romans extraordinaires, peuplés d’ indiens noblement drapés et dressés devant le lecteur en poses héroïques, hommes de paroles (…)Mais cela, ce sont les indiens de cinéma, des Peaux-Rouges à la Pierre benoit, des héros de feuilletons à Ofr95, majoration comprise ! La vérité historique est tout autre.(…) Baden-Powell lui-même note ironiquement dans sa gazette ( août 1924) : « J’ai eu l’occasion de faire connaissance avec le Peau-Rouge authentique : je ne l’ai pas vu tout à fait sous les couleurs dont l’histoire et le roman l’ont revêtu !" Le Chef, juin 1922

Toutefois, il précise aussi dans la revue "le Chef" :

"Est-ce à dire qu'il faille proscrire tout Indianisme, et nous priver et priver nos garçons de cet exotisme et de ce pittoresque dont ils raffolent, et qui peut, entre les mains d'un chef habile, avoir son côté éducatif? Je ne serai point si janséniste, et je serai le premier à applaudir (pardon : à saluer de mes "Ah!ah!ah!") une pantomine comme "Vengeance indienne" et à chanter "Kellé, kellé, Watch!) en souvenir de notre ami Big Hawk. L' Indianisme est un des moyens de satisfaire le goût, inné chez l'enfant, de l'extraordinaire, du romanesque,de l'invraisemblable.

J'ajoute que s'il y a des Scouts qui peuvent se payer quelques fantaisies en ce genre, avec le minimum d'inconvénients, c'est précisément nous, les Scouts de France, parce que nous avons dans notre vie spirituelle, toute fondée sur une piété liturgique et dogmatique, toute alimentée par les Sacrements, le contrepoids nécessaire. Nos garçons sont trop instruits de leur religion pour prendre l'Indianisme au sérieux, et d'avoir fumé le calumet de la paix au feu de camp ne les empêchera pas de chanter avec toute leur ferveur de scouts catholiques, "Notre-Dame des Eclaireurs" ou le "Cantique des patrouilles" " "Le Chef" n° 4 , juin 1922 p. 56 à 60

De vrais mouvements indianistes

Le scoutisme, même s'il utilise certaines techniques dites "Woodcraft", N'EST PAS un mouvement indianiste.

Par contre de vrais mouvements basés sur la culture indienne ont existé.

Le mouvement Woodcraft de Seton

En 1902, Ernest Thompson Seton, un peintre et naturaliste américain d’ origine britannique, publie The Birch-Bark Roll of the Woodcraft Indian, la bible du seul mouvement authentiquement et intégralement indianiste. Il propose aux jeunes américains d’ imiter la civilisation peau-rouge, en vivant dans la nature et en pratiquant ses rites et son sens de l’honneur et de la communauté, méthode qui préfigure en bien des points le scoutisme de BP. Les deux hommes se connaissaient et s'appréciaient par ailleurs, et lors du camp de Brownsea en 1907, BP proposera aux garçons des jeux présentés par Seton dans un de ses livres, Deux petits sauvages, dont au moins un exemplaire sera dédicacé à l'un des garçons par l'auteur, présent sur l'île.

Daniel Carter Beard, un autre américain, fonde en 1905 The Society of the Sons of Daniel Boone, une organisation de jeunesse puisant elle aussi sa mythologie dans le Grand Ouest américain et qui sera absorbée par la suite par les Boys-Scouts of America.

Le Kibbo Kift

Seule exception européenne, le Kibbo Kift sera fondé en 1920 par John Hargrave, un ex-protégé de Baden-Powell. Il quitte le scoutisme et mélange traditions indiennes et revival saxon, avec costumes assortis. Quintessence de l’esprit Woodcraft (l’art de la vie sauvage), son groupe deviendra plus tard un parti politique, les Chemises Vertes. Une scission du Kibbo Kift existe toujours, The Woodcraft Folk. Ailleurs, en Europe, seule la Tchécoslovaquie adoptera avec enthousiasme cette méthode de plein air, et l’on assiste actuellement à son réveil, après cinquante années d’interdiction communiste.

Liens externes