« Séparation de la branche éclaireurs chez les scouts de France » : différence entre les versions

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La '''séparation de la branche éclaireurs''' des [[Scouts de France]] et la création consécutive des branches [[pionniers (SdF)|pionniers]] et [[scouts (SdF)|rangers]] est une réforme pédagogique de grande ampleur entreprise en [[1964]] par [[François Lebouteux]], commissaire national éclaireur (CNE) et son équipe. A la suite de la non acceptation de cette réforme par certaines troupes, les [[Scouts unitaires de France]] seront créés et les [[AGSE|Guides et scouts d'Europe]] progresseront sensiblement en effectif. Cette réforme est toujours un point de clivage fort dans le scoutisme en France. Selon la plupart des historiens, sa mise en place brutale est à l'origine de l'éclatement du scoutisme catholique en France dans les années 1970.
La '''séparation de la branche éclaireurs''' des [[Scouts de France]] et la création consécutive des branches [[pionniers (SdF)|pionniers]] et [[scouts (SdF)|rangers]] est une réforme pédagogique de grande ampleur entreprise en [[1964]] par [[François Lebouteux]], commissaire national éclaireur (CNE), et son équipe. A la suite de la non acceptation de cette réforme par certaines troupes, les [[Scouts unitaires de France]] seront créés et les [[AGSE|Guides et scouts d'Europe]] progresseront sensiblement en effectif. Cette réforme est toujours un point de clivage fort dans le scoutisme en France. Selon la plupart des historiens, sa mise en place brutale est à l'origine de l'éclatement du scoutisme catholique en France dans les années 1970.


==Motivation du mouvement==
==Motivation du mouvement==


Les britanniques avaient fait le pas dès octobre [[1946]] (Boy Scouts et Senior Scouts) sans toutefois généraliser la proposition, puis les Belges de la VVKS dans les années 50.
Les Britaniques avaient fait le pas dès octobre [[1946]] (Boy Scouts et Senior Scouts) sans toutefois généraliser la proposition, puis les Belges de la VVKS dans les années 50.


En France il y eut aussi des précédents avant-guerre, notamment à la troupe 1{{re}} Nancy [[Scouts de France]] d'[[André Sonrier]] ou celle du père [[Jean de Féligonde]] dès 1961 (précurseur, ses jeunes portaient des [http://www.ssb.free.fr/qui_sommes_nous/index.htm chemises rouges]).
En France il y eut aussi des précédents avant-guerre, notamment à la troupe 1{{re}} Nancy [[Scouts de France]] d'[[André Sonrier]] ou celle du père [[Jean de Féligonde]] dès 1961 (précurseur, ses jeunes portaient des [http://www.ssb.free.fr/qui_sommes_nous/index.htm chemises rouges]).
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Après quelques essais concluants encouragés par [[Michel Rigal]], la nouvelle branche est créée officiellement en [[1964]]. Ce changement est fortement lié à des envies de progresser, de faire évoluer le mouvement pour s'adapter à un monde en voie de socialisation. '''La réforme est appelée "Pionniers-Rangers"''' du nom des deux branches créés grâce à la branche "éclaireurs" : c'est la fin du [[système des patrouilles]] comme l'entendait [[BP]].
Après quelques essais concluants encouragés par [[Michel Rigal]], la nouvelle branche est créée officiellement en [[1964]]. Ce changement est fortement lié à des envies de progresser, de faire évoluer le mouvement pour s'adapter à un monde en voie de socialisation. '''La réforme est appelée "Pionniers-Rangers"''' du nom des deux branches créés grâce à la branche "éclaireurs" : c'est la fin du [[système des patrouilles]] comme l'entendait [[BP]].


La notion de pédagogie tend à se substituer celle de méthode scoute. Il est à remarquer que les années 1958-59 voit les débuts de la mise en place du collège unique, le prolongement de la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans. En 1963 c'est la création des collèges d'enseignement secondaire. Ces réformes ministérielles sont ainsi menées conjointement à celle engagée par les SDF dont une partie des dirigeants sont désormais issus du corps professoral. Parallèlement une partie importante du clergé, à la suite du Concile Vatican II, considère que le scoutisme catholique est élitiste et que sa pédagogie est dépassée.
La notion de pédagogie tend à se substituer celle de méthode scoute. Il est à remarquer que les années 1958-59 voient les débuts de la mise en place du collège unique, le prolongement de la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans. En 1963 c'est la création des collèges d'enseignement secondaire. Ces réformes ministérielles sont ainsi menées conjointement à celle engagée par les SDF dont une partie des dirigeants sont désormais issus du corps professoral. Parallèlement une partie importante du clergé, à la suite du Concile Vatican II, considère que le scoutisme catholique est élitiste et que sa pédagogie est dépassée.


Le Scoutisme en trois branches pensé et mis en place par [[BP]] est donc revu et corrigé pour s'adapter aux besoins du temps. Dès [[1960]], cela entraine de l'hostilité. L'un des premiers à monter au front est [[Michel Menu]]. Il écrit un livre "''Scoutisme et engagement''" qui s'efforce de redonner du sens à la pensée créatrice de [[Baden-Powell]].
Le Scoutisme en trois branches pensé et mis en place par [[BP]] est donc revu et corrigé pour s'adapter aux besoins du temps. Dès [[1960]], cela entraîne de l'hostilité. L'un des premiers à monter au front est [[Michel Menu]]. Il écrit un livre "''Scoutisme et engagement''" qui s'efforce de redonner du sens à la pensée créatrice de [[Baden-Powell]].


==Application de la réforme==
==Application de la réforme==
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==Conséquence à l'intérieur et à l'extérieur du mouvement==
==Conséquence à l'intérieur et à l'extérieur du mouvement==


Lors du lancement de la réforme, plusieurs journaux catholiques se félicitent de cette évolution du mouvement, comme ''Témoignage chrétien''. Néanmoins, une vague de fronde ne tarde pas à naitre, de nombreux tracts et circulaires se mettent à circuler dans le mouvement et remontent au [[QG]], rue de Dantzig. D'autres journaux ne tardent pas à prendre le contrepied de l'enthousiasme premier. L'équipe nationale visitera la France pour présenter et défendre sa réforme, et elle sera souvent confrontée à un refus frontal des chefs et parents. Plusieurs grands anciens, dont [[Pierre Delsuc]], prennent partie contre la réforme. [[Maurice Travers]] lance la revue ''[[Réflexions de scoutmestres]]'' avec l'aide de [[Michel Menu]] pour continuer à offrir une formation aux maîtrises des unités "classiques". L'[[Association pour le soutien du scoutisme]] travaille dans le même sens tandis qu'un [[Comité des mille]] lance des attaques plus fortes sur la réforme. Le [[QG]] obtient le soutien public de l’Église grâce à [[Marc Lallier|Mgr Lallier]] qui, en tant que président de la commission épiscopale de l’Enfance et de la Jeunesse, écrit aux évêques pour expliquer la réforme et critiquer les réfractaires.
Lors du lancement de la réforme, plusieurs journaux catholiques se félicitent de cette évolution du mouvement, comme ''Témoignage chrétien''. Néanmoins, une vague de fronde ne tarde pas à naître, de nombreux tracts et circulaires se mettent à circuler dans le mouvement et remontent au [[QG]], rue de Dantzig. D'autres journaux ne tardent pas à prendre le contrepied de l'enthousiasme premier. L'équipe nationale visitera la France pour présenter et défendre sa réforme, et elle sera souvent confrontée à un refus frontal des chefs et parents. Plusieurs grands anciens, dont [[Pierre Delsuc]], prennent partie contre la réforme. [[Maurice Travers]] lance la revue ''[[Réflexions de scoutmestres]]'' avec l'aide de [[Michel Menu]] pour continuer à offrir une formation aux maîtrises des unités "classiques". L'[[Association pour le soutien du scoutisme]] travaille dans le même sens tandis qu'un [[Comité des mille]] lance des attaques plus fortes sur la réforme. Le [[QG]] obtient le soutien public de l’Église grâce à [[Marc Lallier|Mgr Lallier]] qui, en tant que président de la commission épiscopale de l’Enfance et de la Jeunesse, écrit aux évêques pour expliquer la réforme et critiquer les réfractaires.


Si dans bien dans des régions l'application de la réforme se fait à pas comptés avec une casse limitée, en Ile-de France le dégât est très fort. Les groupes de quartiers populaires, qui souvent sont encadrés par des chefs venus de l'extérieur ferment un à un de [[1964]] à [[1972]], la nouvelle organisation exigeant plus de cadres. Dans les quartiers aisés la résistance à la réforme est souvent frontale. Bref la réforme "Ranpion" (pour '''Ran'''gers-'''Pion'''niers) a du mal à passer.
Si dans bien dans des régions l'application de la réforme se fait à pas comptés avec une casse limitée, en Ile-de France le dégât est très fort. Les groupes de quartiers populaires, qui souvent sont encadrés par des chefs venus de l'extérieur, ferment un à un de [[1964]] à [[1972]], la nouvelle organisation exigeant plus de cadres. Dans les quartiers aisés la résistance à la réforme est souvent frontale. Bref la réforme "Ranpion" (pour '''Ran'''gers-'''Pion'''niers) a du mal à passer.


Les [[AGSE|scouts d'Europe]] ne sont alors qu'une petite association centrée autour du noyau Bleimor de [[Pierre Géraud|Perig Géraud Keraod]]. Ils font le choix d'ouvrir les portes aux chefs dissidents qui quitteront les [[Scouts de France]], tel que [[Marie-Claire Gousseau]]. Ainsi, de nombreux chefs passeront d'un mouvement à l'autre, changeant profondément la physionomie du mouvement des guides et scouts d'Europe.  
Les [[AGSE|scouts d'Europe]] ne sont alors qu'une petite association centrée autour du noyau [[Bleimor]] de [[Pierre Géraud|Perig Géraud Keraod]]. Ils font le choix d'ouvrir les portes aux chefs dissidents qui quitteront les [[Scouts de France]], tel que [[Marie-Claire Gousseau]]. Ainsi, de nombreux chefs passeront d'un mouvement à l'autre, changeant profondément la physionomie du mouvement des guides et scouts d'Europe.  
[[Image:SUF logo.svg|100 px|right|thumb|Les [[SUF]] se créent en [[1971]]]]
[[Image:SUF logo.svg|100 px|right|thumb|Les [[SUF]] se créent en [[1971]]]]
Les troupes unitaires résistent et continuent de refuser de se scinder en deux. La cohabitation se fera de plus en plus difficile. [[Michel Rigal]] garde le contact avec les unitaires mais finalement son successeur, [[Émile-Xavier Visseaux]] entend interdire de camp les dissidents. Devant cette mesure, de nombreux dissidents quittent le mouvement pour les scouts d'Europe et plusieurs troupes se réunissent pour créer les [[Scouts unitaires de France]] en [[1971]] sous l'impulsion de [[Pierre Delsuc]].
Les troupes unitaires résistent et continuent de refuser de se scinder en deux. La cohabitation se fera de plus en plus difficile. [[Michel Rigal]] garde le contact avec les unitaires mais finalement son successeur, [[Émile-Xavier Visseaux]] entend interdire de camp les dissidents. Devant cette mesure, de nombreux dissidents quittent le mouvement pour les [[scouts d'Europe]] ou les [[Scouts saint Georges|scouts St Georges]] et plusieurs troupes (notamment les jeunes chefs de la [[Raid (revue)|revue Raid]]) se réunissent pour créer les [[Scouts unitaires de France]] en [[1971]].


==L'unitaire au sein des Scouts de France a posteriori==
==L'unitaire au sein des Scouts de France ''a posteriori''==


Une trentaine de groupes resteront néanmoins ou redeviendront unitaires au sein des [[Scouts de France]], jusqu'aux années 1980. En effet, au bout de quelques années, un phénomène ''néo-unitaire''<ref>terme pris dans le livre d'{{Ouvrage|auteur=[[Yves Combeau]]|titre=Toujours prêts, Histoire du scoutisme catholique en France|éditeur=Éditions le Cerf|isbn=978-2-204-13854-3|jour=25|mois=février|année=2021}}</ref> apparaît :
Une trentaine de groupes resteront néanmoins ou redeviendront unitaires au sein des [[Scouts de France]], jusqu'aux années 1980. Plusieurs groupes migrent vers les [[Scouts unitaires de France]] durant cette décennie. Plusieurs troupes unitaires participent au [[Aujourd'hui construisons demain|jamboree de 1985]] à [[Jambville]] en chemises beiges (ce qui a pu causer un raidissement des structures territoriales après ce rassemblement). En effet, au bout de quelques années, un phénomène ''néo-unitaire''<ref>terme pris dans le livre d'{{Ouvrage|auteur=[[Yves Combeau]]|titre=Toujours prêts, Histoire du scoutisme catholique en France|éditeur=Éditions le Cerf|isbn=978-2-204-13854-3|jour=25|mois=février|année=2021}}</ref> apparaît :
* Ainsi la [[Groupe SUF Paris - St Philippe du Roule|troupe 27{{e}} Paris]] revient en [[1978]] à la pédagogie unitaire, en [[1979]], la troupe adopte l'uniforme beige. En [[1984]], la rupture avec les Scouts de France est consommée et la troupe rejoint les [[SUF]]. La [[Groupe SUF Paris - Bayart - Jean-Paul II|12{{e}} Paris]] la suite.  
* Ainsi la [[Groupe SUF Paris - St Philippe du Roule|troupe 27{{e}} Paris]] revient en [[1978]] à la pédagogie unitaire, en [[1979]], la troupe adopte l'uniforme beige. En [[1984]], la rupture avec les Scouts de France est consommée et la troupe rejoint les [[SUF]]. La [[Groupe SUF Paris - Bayart - Jean-Paul II|12{{e}} Paris]] la suite.  
* La [[Groupe SGDF Paris - Saint François de Sales|18{{e}} Paris]] du groupe [[Groupe SGDF Paris - Saint François de Sales|Saint François de Sales]] y revient en [[1980]] jusqu'en [[1996]].  
* La [[Groupe SGDF Paris - Saint François de Sales|18{{e}} Paris]] du groupe [[Groupe SGDF Paris - Saint François de Sales|Saint François de Sales]] y revient en [[1980]] jusqu'en [[1996]].  
* La troupe 21{{e}} Nice utilisait un système unitaire en 1985, en chemises bleues et short marron. Après avoir été mis en demeure de changer ses pratiques par la Codépie en 1986, une grande partie des effectifs participera à la fondation de la 1{{re}} [[Scouts Saint Georges]] de Nice.
* A [[Vervins]], la troupe se tourne aussi vers l'unitaire, ce qui provoque une scission vers l'association [[Raiders (mouvement)|Raiders]] de [[1985]] à [[1990]], dans les années 90, le passage à la troupe dure 4 ans, ce qui permet de mettre en place le système des patrouilles quasi-unitaire.
* A [[Vervins]], la troupe se tourne aussi vers l'unitaire, ce qui provoque une scission vers l'association [[Raiders (mouvement)|Raiders]] de [[1985]] à [[1990]], dans les années 90, le passage à la troupe dure 4 ans, ce qui permet de mettre en place le système des patrouilles quasi-unitaire.
* A [[Groupe FEE-SGPF 4e Martigues - Michel Froissart|Martigues]], la pratique est plus proche de la pratique unitaire durant les années 1990 et 2000. Après avoir suivi aux [[Scouts et Guides de France]], les mésententes avec la structure conduise le groupe a rejoindre la [[FEE]].
* A [[Groupe FEE-SGPF 4e Martigues - Michel Froissart|Martigues]], la pratique est plus proche de la pratique unitaire durant les années 1990 et 2000. Après avoir suivi aux [[Scouts et Guides de France]], les mésententes avec la structure conduise le groupe a rejoindre la [[FEE]].
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** [[Réflexions de scoutmestres]]
** [[Réflexions de scoutmestres]]
** [[Association pour le Soutien du Scoutisme]]
** [[Association pour le Soutien du Scoutisme]]
** [[Comité des mille]]
** [[Scout ou Pionniers ? ou les raisons d'un choix]]
** [[Scout ou Pionniers ? ou les raisons d'un choix]]
** [[Bases fondamentales du scoutisme]]


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