Totémisation

De Scoutopedia
Un vieux chef Sioux

La totémisation au sens scout consiste à donner à quelqu'un, au cours d'une cérémonie un nom d'animal ( ou autre) avec ou sans autres qualificatifs. L'ensemble : nom, adjectif, lieu est appelé : TOTEM. La cérémonie et le totem marque un rite de passage et le renforcement de l'intégration au groupe, ce peut être aussi le symbole d'un engagement à de nouvelles responsabilités.

Dans certains pays on appelle totem le nom d'une patrouille

Rappel Historique

Déja pratiquée en France avant 1914 par les initiateurs du scoutisme la totémisation est une tradition popularisée dans le scoutisme catholique par le commissaire Scout de France Paul Coze, et implantée dans le scoutisme français surtout à partir de 1918. Paul Coze avait connu cet ensemble de pratiques indiennes de trois sources différentes : le scoutisme anglais, ses voyages aux Etat-Unis, et son épouse, d'origine Cheyenne. Il semblerait que la présence de chefs américains (Lorne Barclay, le Dr d'Elisçu) dont un amérindien au camp interfédéral de Francport (du 16 août au 19 septembre 1920) y soit aussi pour quelque chose. Le principal introducteur de l'indianisme chez les Eclaireurs de France fut Jean Loiseau qui participa à la première session de ce camp et sera finalement contraint à quitter son association.

Avec quelques différences parmi les mouvements les pratiques au sein des troupes françaises se figèrent rapidement autour des éléments suivants : les vieux sachems, qui sont les scouts totémisés ayant accumulé un certain nombre de plumes (une plume par totémisation), choisissent parmi les papooses (les non initiés) de vieux scouts. Ceux-ci passent un rite initiatique dont la nature reste secrète aux papooses. Telle était la situation en 1939.

Le plus souvent, la totémisation se réduit à une cérémonie secrète, se déroulant la nuit, au cours de laquelle se déroulent des épreuves imposées aux scouts considérés dignes de devenir "sachems". Les épreuves sont axées sur quatre thèmes : le feu, la terre, le ciel et l'eau. Si le scout passe avec succès, il reçoit son totem. Les chiens rouges, les coyotes sont soit associés soit exclus du rituel.

Que désignent les 3 éléments du totem ? : le nom d'animal renseigne sur le physique, l'adjectif qualificatif renseigne sur le trait dominant du caractère et enfin le lieu renseigne sur l'endroit où la personnne a été totémisé ou a vécu. Si ce système varie suivant les mouvements, les sachems évitent pour des motifs évidents d'accoler un adjectif négatif à un nom d'animal déprécié. Ainsi "Hyène Malveillante" n'est pas un totem scout, par contre "Bison Egocentrique" doit être réel. Dans certains mouvements le nom peut être tiré de la nature ( Cascade, Herbe), du Livre de la Jungle (Chil, Baloo) ou se referer à une partie du corps ( Pied, Langue). Exceptionnellement le qualificatif peut être dédoublé pour attenuer la portée du premier ( Arrogant et Décidé).

Dans beaucoup de mouvements le totem est largement utilisé pour s'adresser verbalement à l'interessé et celui ci peut l'utiliser dans ses écrits, sur internet, etc. Sauf entre sachems le qualificatif n'est mentionné que sous la forme de l'initiale: Herbe S.

Des centaines de milliers de scouts ont été totémisés, nous avons répertorié ici un certain nombre devenus célèbres (la célèbrité peut tenir de leur vie scoute ou de leur vie civile) : liste de totems de célébrités

La totémisation remise en question

Les vieux sachems formaient une organisation parallèle au scoutisme des mouvements, évoluant dans une complète confidentialité. De plus, la totémisation et son ordre secret ont réellement passionné certains jeunes scouts qui étaient plus motivés par la conquête du titre de sachem et le " peau rougisme" que pour faire leur BA quotidienne et appliquer la méthode scoute.

On reprocha ainsi à la totémisation d'être passée d'un jeu scout honorable en 1928 à une organisation secrète parallèle au scoutisme dans les années 40 avec les possibilités de dérives que cela comporte (les rites initiatiques devenaient parfois de vraies séances dégradantes ou humiliantes). Parallèlement étaient nés des groupes comme les "foulards de sang" qui utilisaient certaines pratiques de la totémisation mais dont le fonctionnement était totalement occulte.

La possibilité de dérives de toutes natures interpellait les différents mouvements qui s'efforcèrent soit de changer la nature de la totémisation soit de la proscrire officieusement.

Situation actuelle

A la suite de la loi de 1998 intégrée à l'art.225-16-1 du Code Pénal réprimant le bizutage certains mouvements français directement concernés par la "totémisation dure" ont du officiellement prendre position.

Elle est encore largement répandue en Belgique, en Suisse et au Canada francophone, sous une forme cérémoniaire sensiblement différente et sans doute plus transparente qu'en France. Par ailleurs elle est tolérée en Italie et dans certains mouvements français (EEUdF,EEIF, EEdF ) mais dans tous les cas il s'agit d'une "totémisation douce".

La totémisation parait subsister sous une forme plus ou moins traditionnelle dans plusieurs pays hispanophones. Une autre piste est celle de l'Order of the Arrow des Etats Unis réservée à des scouts plus âgés avec une organisation officielle tout à fait transparente, des cérémonies fortement marquées par l'indianisme et un souci de service aux scouts plus jeunes.

Bref la discussion sur la totémisation en France n'est pas close, resterait à débattre des formes d'une totémisation nouvelle et sans risque mais l'intérét pédagogique d'une telle mesure est controversée.

une piste : la totémisation "aînée"

Dans les mouvements à deux branches de 12 à 17 ans, on devrait donc plutôt parler de “totémisation aînée”, signe d'appartenance à la communauté d'aînés (animateurs confirmés et aînés). C’est notamment le cas aux EEIF.

La totémisation dans un mouvement à la pédagogie unitaire concerne les CP en premier, valorisant celles et ceux qui s'engagent et qui animent des plus jeunes.

Il n'y a pas le même type d'engagement dans la pédagogie à deux branches de 12 à 17 ans, dans le cadre de la branche ado. Dans ces mouvements, la totémisation a lieu généralement plus tard, à l'âge de l'engagement à servir, que ce soit dans l'animation ou d'autres propositions aînées. A cet âge, la symbolique a peu d'importance et l'important est d'honorer un véritable "militant de Scoutisme" en lui donnant son nom scout : son totem.

Dans tous les cas, la totémisation “aînée” valide un parcours d'excellence au service du mouvement scout. C’est un temps fort, joyeux et plein d'émotions à vivre et partager si possible dans une dimension territoriale voire nationale, selon la personne à honorer.

Ce que pensent les grands chefs scouts de la totémisation

BP : "Je prétends qu'un garçon pour devenir un vrai scout, suivant l'idéal tracé par le chef, n'a nullement besoin de recevoir un nom. Il n'est pas indispensable qu'il s'appelle Tigre Bleu ou Loup Vert, ni qu'il porte une robe bigarré au lieu de la chemise scoute et des plumes dans les cheveux... Rêver que vous êtes un scout me paraît contenir plus d'idéal et de romanesque, plus de pensées pratiques de dévouement et de bonheur que de rêver que vous êtes Peau-Rouge." Headquarters Gazett, novembre 1919.

Père Jacques Sevin : "Si je soutiens l’ indianisme, nos preux chevaliers vont, d’un geste dédaigneux, reléguer mes plumes d’aigle au fond des costumiers de mélodrame, et si je déclare que le Peau-Rouge n’est pas le dernier mot du scoutisme et de la civilisation, je vois déjà les tomahawks s’abattre sur mon cuir chevelu (…) Je réponds carrément à ta question : non, l’ Indien n’est pas le Premier Scout. Il ne l’est ni pour le corps, ni pour ses vertus morales, ni par ses qualités physiques. Sans doute, depuis Fenimore Cooper et les récits de Buffalo Bill, une certaine littérature de jeunesse nous a inondés de romans extraordinaires, peuplés d’ indiens noblement drapés et dressés devant le lecteur en poses héroïques, hommes de paroles (…)Mais cela, ce sont les indiens de cinéma, des Peaux-Rouges à la Pierre benoit, des héros de feuilletons à Ofr95, majoration comprise ! La vérité historique est tout autre.(…) Baden-Powell lui-même note ironiquement dans sa gazette ( août 1924) : « J’ai eu l’occasion de faire connaissance avec le Peau-Rouge authentique : je ne l’ai pas vu tout à fait sous les couleurs dont l’histoire et le roman l’ont revêtu !" Le Chef, juin 1922

Toutefois, il précise aussi dans la revue "le Chef" n° 4 , juin 1922 p. 56 à 60

"Est-ce à dire qu'il faille proscrire tout Indianisme, et nous priver et priver nos garçons de cet exotisme et de ce pittoresque dont ils raffolent, et qui peut, entre les mains d'un chef habile, avoir son côté éducatif? Je ne serai point si janséniste, et je serai le premier à applaudir (pardon : à saluer de mes "Ah!ah!ah!") une pantomine comme "Vengeance indienne" et à chanter "Kellé, kellé, Watch!) en souvenir de notre ami Big Hawk. L' Indianisme est un des moyens de satisfaire le goût, inné chez l'enfant, de l'extraordinaire, du romanesque,de l'invraisemblable.

J'ajoute que s'il y a des Scouts qui peuvent se payer quelques fantaisies en ce genre, avec le minimum d'inconvénients, c'est précisément nous, les Scouts de France, parce que nous avons dans notre vie spirituelle, toute fondée sur une piété liturgique et dogmatique, toute alimentée par les Sacrements, le contrepoids nécessaire. Nos garçons sont trop instruits de leur religion pour prendre l'Indianisme au sérieux, et d'avoir fumé le calumet de la paix au feu de camp ne les empêchera pas de chanter avec toute leur ferveur de scouts catholiques, "Notre-Dame des Eclaireurs" ou le "Cantique des patrouilles" "

La position officielle des différents mouvements sur la totémisation

Scouts et Guides de France

La totémisation n'est pas à proprement parler interdite. Neanmoins, elle n'est plus d'usage. En effet, l'association estime que dans la pratique la totémisation est beaucoup plus proche d'un bizutage que d'une valorisation positive.

A noter que les actes ayant des répercusions sur la sécurité physique, morale ou affective des jeunes sont interdits.

Scouts d'Europe

Les commissaires généraux scout et guide ont décidé de maintenir la décision d'interdire les totémisations dans l'association.

Cette décision s'explique par les dérives qui ont progressivement été constatées depuis… plusieurs décennies et ont fait perdre à la totémisation son caractère de simple thème de jeu pour la transformer trop souvent en une sorte de rite initiatique parfois malsain.

Un travail très important a été effectué … par une équipe de chefs éclaireurs. Il a constitué un précieux outil de réflexion qui s'articule autour de quatre parties :

  • la première décrit l'évolution de la totémisation dans l'histoire du scoutisme,
  • la seconde rappelle les déviances des totémisations pratiquées depuis plusieurs années,
  • la troisième présente la totémisation d'un point de vue anthropologique, en la situant parmi les rites initiatiques,
  • la quatrième, « totémisation et psychologie de l'adolescent » aborde les risques de la totémisation pendant la période psychologiquement perturbée de l'adolescence

Article complet sur le site de l'AGSE

Scouts Unitaires de France

La totémisation y est interdite.

Reflexions en cours

Face à la situation décrite et spécialement aux risques liés aux "totémisations dures" une double réflexion est en cours:

- du coté des mouvements classiques où la totémisation est interdite divers groupe de sachems proposent un cadre cérémoniel simplifié et public mais s'adressant à des jeunes. La page totem du site semper parati est un bon exemple des thèmes abordés et des solutions envisagées dans les milieux du scoutisme traditionnel.

- en marge des SGDF, des sachems réfléchissent à une totémisation s'adressant à des pionniers ou compagnons susceptibles de s'investir dans l'encadrement local,

Les deux séries de reflexions paraissent converger sur les points suivants:

- rituel simplifié excluant tout contact physique ou épreuve

- présence d'un nombre minimum de sachems ( plus de...)

- origine de ceux ci diversifiées géographiquement

- la date et les modalités de la cérémonie sont connues à l'avance par le papoose.

Par contre il y a divergences sur la mixité (H/F) des cérémonies, le fait que le papoose découvre son totem ou qu'il le connaisse un peu à l'avance, la participation de sachems issus d'autres mouvements.

De vrais mouvements indianistes

Le scoutisme même si il utilise certaines techniques dites "Woodcraft" N'EST PAS un mouvement indianiste.

Par contre de vrais mouvements basés sur la culture indienne ont existé.

Le mouvement Woodcraft de Seton

En 1902, Ernest Thompon Seton, un peintre et naturaliste américain d’ origine britannique, publie The Birch-Bark Roll of the Woodcraft Indian, la bible du seul mouvement authentiquement et intégralement indianiste. Il propose aux jeunes américains d’ imiter la civilisation peau-rouge, en vivant dans la nature et en pratiquant ses rites et son sens de l’honneur et de la communauté, méthode qui préfigure en bien des points le scoutisme de BP. Les deux hommes se connaissaient et s'appréciaient par ailleurs, et lors du camp de Brownsea en 1907, BP proposera aux garçons des jeux présentés par Seton dans un de ses livres, Deux petits sauvages, dont au moins un exemplaire sera dédicacé à l'un des garçons par l'auteur, présent sur l'île.

Daniel Carter Beard, un autre américain, fonde en 1905 The Society of the Sons of Daniel Boone, une organisation de jeunesse puisant elle aussi sa mythologie dans le Grand Ouest américain et qui sera absorbée par la suite par les Boys-Scouts of America.

Le Kibbo Kift

Seule exception européenne, le Kibbo Kift sera fondé en 1920 par John Hargrave, un ex-protégé de Baden-Powell. Il quitte le scoutisme et mélange traditions indiennes et revival saxon, avec costumes assortis. Quintessence de l’ esprit Woodcraft ( l’art de la vie sauvage), son groupe deviendra plus tard un parti politique, les Chemises Vertes. Une scission du Kibbo Kift existe toujours, The Woodcraft Folk. Ailleurs, en Europe, seule la Tchécoslovaquie adoptera avec enthousiasme cette méthode de plein air, et l’on assiste actuellement à son réveil, après cinquante années d’ interdiction communiste.

Liens externes