« Scouticisme » : différence entre les versions

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Le texte de Mounier était annonciateur des futures tensions des [[scouts de France]] avec certains milieux ecclésiastiques, mais révélait les différences spirituelles et éducatives qui se firent alors jour au sein du mouvement. On a pu dire que la [[crise de la Route]] était contenue dans l'article de Mounier.
Le texte de Mounier était annonciateur des futures tensions des [[scouts de France]] avec certains milieux ecclésiastiques, mais révélait les différences spirituelles et éducatives qui se firent alors jour au sein du mouvement, voir [[Vie nouvelle]]. On a pu dire que la [[crise de la Route]] était contenue dans l'article de Mounier.


En fait tous les mouvements étaient concernés et dès septembre 1945, lors d'un [[Cappy]] Route le sujet est largement évoqué et fait même l'objet d'une exposition humoristique.
En fait tous les mouvements étaient concernés et dès septembre 1945, lors d'un [[Cappy]] Route le sujet est largement évoqué et fait même l'objet d'une exposition humoristique.

Dernière version du 20 novembre 2017 à 21:35

Le «scouticisme» est une systématisation et une critique de l'attitude scoute construite par Emmanuel Mounier.

Emmanuel Mounier (1905-1950) est un philosophe chrétien personnaliste, fondateur de la revue Esprit. Il s'oppose aux idées libérales, au fascisme et au marxisme, cherchant à trouver une troisième voie humaniste entre celles-ci. Très vite, Mounier est lu dans des milieux divers, et son école de pensée se développe sous le nom de personnalisme. Voir Anita Lopez-Ross. Proche du régime de Vichy des débuts, notamment à cause de sa politique de jeunesse, il se rapproche ensuite de la Résistance.

Après la Libération et d'après une conférence de Charles-Edouard Harang de décembre 2007 : " Le philosophe publia dans le premier numéro d’Esprit, un article intitulé « La jeunesse comme mythe et la jeunesse comme réalité. Bilan 1940-1944 ». Dans cet article, il analysait l’attitude des mouvements de jeunesse catholique sous l’Occupation. Particulièrement critique avec le scoutisme, le philosophe lui reprochait de s’être refermé sur lui-même, d’avoir cultivé un naturalisme naïf et développé un anti-intellectualisme apolitique qui frisait le simplisme. Le philosophe nommait scouticisme, cette dérive de l’esprit scout qui aurait touché l’ensemble du mouvement, le conduisant à ses engagements pendant la guerre."

«  (...) le scoutisme a été la vedette des années 40. Il a subi de ce fait, une épreuve de force, d'où il sort avec des points gagnés et des points perdus.

Il m'est arrivé déjà de parler des derniers et des scouts m'ont reproché de ne pas les connaître. Or, les problèmes que j'ai posés et que je rappelle ici, leurs dirigeants m'ont convié plusieurs fois avant la guerre à les poser dans leurs congrès, après m'avoir dit combien ils les préoccupaient eux-mêmes. Il n'est pas question de contester le scoutisme, mais de trouver ses limites. Les services qu'il a rendus sont inestimables. On sait qu'en 1940 il fut appelé massivement à encadrer la nouvelle organisation de la jeunesse. Les moeurs de liberté qu'il avait su relier au sens de la discipline ont sans doute contribué à garder la jeunesse qui lui fut confiée dans une tradition saine et française.

Mais il est du scoutisme, ainsi appelé à une tâche qui dépassait ses premiers buts, comme de ces concepts que la science forge pour un usage et dans des limites bien déterminées et qui ne sont plus valables hors de cet usage ou de ces limites. Le scoutisme est un instrument magnifiquement adapté à l'adolescence telle que nous l'avons délimitée. Il peut aussi, les Routiers l'ont montré, fournir certaines lignes de vie à certains tempéraments d'adulte (non pas à tous). Mais s'il prétend à être une doctrine générale et complète de vie nous n'avons plus affaire au scoutisme, mais a ce que j'appellerai, parodiant un néologisme de l'abbé Bremond à un scouticisme dont l'échec serait aussi certain que les prétentions déplacées.

Dans la mesure où nous portons toujours peu ou prou les maladies de nos qualités, le scoutisme a toujours à se défendre à l'intérieur de la tentation de scouticisme. Et le mouvement de jeunesse, par suite, d'une scoutification abusive.

Reste à définir le scouticisme.

C'est d'abord l'assurance (peu scout) qu'hors du scoutisme il n'y a pas de salut. C'est avec cette assurance, notamment, qu'on oublie à 18 ans les vrais problèmes de la vie, que lorsque la patrie meurt d'anémie spirituelle d'anémie intellectuelle, d'anémie politique, on la croit sauvée par la seule multiplication des feux de camp. C'est avec elle qu'on fabrique de faux adolescents barbus, chansonnants et bêtifiants. Des caricatures de scouts.

Le scouticisme greffe sur le bel et libre amour de: la nature prêché par Baden-Powell un naturalisme ingénu et végétal. Sur une saine réaction contre la débilité et la bêtise des villes, la conviction souriante que l'herbe sauvera le Franc, s'il la mange, la foule, s'y couche, la chante, s'en emplit l'âme et finalement l'adore.

Nous avons connu la dictature du bistro, du cinéma et des fenêtres closes. Il y a aussi, la monotonie de certains journaux de jeunes le prouvait hier surabondamment, un impérialisme du camping, du tour de potier et du loisir folklorique et artisanal.

Le scouticisme croit avoir résumé l’univers quand il a remplacé la formation par le lyrisme. Une messe à 3 000 mètres d’altitude, une chaude envolée de paroles remplissent de ferveur ses victimes.

Mais demandez-leur un effort intellectuel, elles vous traitent d’idéologue. Attirez-les sur des problèmes aigus de la Cité, elles crient à la déviation politique. Approchez-les des angoisses de l’homme, elles trouvent que vous n’êtes pas marrant ce soir.

Vous éveillez même, par ces allusions, une sorte de défiance: la vie est plus simple que ça, il faut être empoisonné par l’atmosphère méphitique des villes pour se poser tant de questions. Ils ont un monde où la cérémonie remplace l’effort, où le jeu finit de chasser l’inquiétude.

Il est permis de trouver un peu sommaire la conception de l’homme et des rapports humains qui traduisent ces méfiances. Il y a les chics types et les pas chics types: que voulez-vous de plus?

L’autorité? Un regard droit, une main fermement tendue, un certain coup de menton, et malheur à qui ne les possède pas, au timide, au mal-fichu, au silencieux. La vie spirituelle? Une poitrine largement ouverte aux vents de la plaine, une fleur au chapeau, à la bouche une chanson, voilà tout ce qu’il nous faut pour gagner le combat de la terre. »

Emmanuel Mounier

Et le Philosophe de conclure sur ce chapitre: « Le chevalier était un rude compagnon, les chapiteaux de nos cathédrales ne repoussent point la truculence, et le saint sait une seule chose, c'est qu'il pèche sept fois par jour. Aujourd’hui, comme dans toutes les hautes époques, on demande des hommes forts, et non de bons petits garçons. Les scouts qui pensent leur mouvement avec ouverture et sérieux reconnaissent dans ces traits tout ce contre quoi ils combattent, la mauvaise herbe sans cesse arrachée, sans cesse renaissante, qui affectionne leur terrain, comme d'autres broussailles envahissent d'autres terrains. Si elle a un peu trop poussé depuis quatre ans entre les pavés de la France « nouvelle », c'est dans la mesure où le scoutisme ne pouvait plus contrôler, comme il faisait ses propres troupes, l'immense champ d'action qui lui a été offert...»


Le texte de Mounier était annonciateur des futures tensions des scouts de France avec certains milieux ecclésiastiques, mais révélait les différences spirituelles et éducatives qui se firent alors jour au sein du mouvement, voir Vie nouvelle. On a pu dire que la crise de la Route était contenue dans l'article de Mounier.

En fait tous les mouvements étaient concernés et dès septembre 1945, lors d'un Cappy Route le sujet est largement évoqué et fait même l'objet d'une exposition humoristique.