Michel Menu

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Michel Menu est né le 16 février 1916 à Secondigny (Deux-Sèvres)


Ingénieur-Conseil. CNE des SdF 1947/1956. DCC de Gilwell

Initiateur des « Raiders Scouts»

Initiateur des « Goums »

Officier de la Légion d’honneur


Biographie écrite par Louis V.M Fontaine dans "Mémoire du Scoutisme"


Début dans le scoutisme, les études, l’armée, la guerre

Entré dans le scoutisme à la 1ère Châtellerault, il fit sa promesse à 15 ans en 1931. Quelques années plus tard, il fondait à Thouars, dans les Deux-Sèvres, une patrouille qui se structura et devint une troupe qu’il affilia, lui-même en 1947, alors qu’il venait d’accéder au poste de CNE. Fidèle aux options de cette époque, cette unité s’efforçait de recruter en milieu populaire. La spiritualité agissante du Père Doncoeur avait conquis Michel Menu, et sa fidélité à l’esprit des « cadets » reste l’un des axes de sa vie.

Après des études supérieures à Paris qui lui permirent de passer un doctorat d’Etat ès Lettre avec une thèse de Science politique, Michel Menu pensait avoir une vocation militaire. Ayant fait sa préparation militaire supérieure, il entra en 1938/39 à l’Ecole d’Artillerie de Poitiers, où toujours épris de la méthode de Baden Powell, et influencé par la personnalité du père Doncoeur il créa un clan de Routiers.

Sorti Aspirant au début de 1940, soit quelques mois après la déclaration de la 2nd guerre mondiale, il fut affecté par choix de classement au 29e Régiment d’Artillerie.

A ce titre, il participa à la campagne de Belgique en mai 1940, puis au repli vers la France et la poche de Dunkerque où il fut finalement fait prisonnier le 1er juin. Comme les 40 000 officiers Français, il fut détenu en Allemagne, et affecté à l’Oflag II D en Poméranie.

Soucieux de reprendre le combat, il s’évada après quelques semaines de captivité. Ayant été malheureusement repris, il fut envoyé au camp disciplinaire de Königsberg où il recommençait à nouveau, et se faisait prendre une deuxième fois !

Il réussira une troisième évasion depuis Königsberg, et ralliera la France le 31 décembre 1941.

Dès le début de 1942, Michel Menu qui ne s’était évadé que pour reprendre le combat entrait en relation avec la France Libre à Londres, et fut engagé au BCRA par Pierre Rateau, le 15 mars 1942.

Installé en zone libre, il approchait alors le QG des SdF replié à Lyon, où il entra d’abord comme commissaire hors carde mis à disposition du QG puis comme ACNE à la fin de 1943/44.

Les activités militaires de résistances de Michel Menu étaient entièrement dissociées de sa position aux SdF, de telle sorte que cette « couverture », apparemment ignorée, ne pût nuire ni aux uns ni aux autres. Pour officialiser son rôle aux SdF, Menu effectua quelques déplacements pour le mouvement. Prudemment, il ne fut que très peu cité dans la presse scoute des années 1943/44, sauf en rares exceptions comme pour quelques représentations à l’occasion de journées de chefs, lorsqu’au début de février 44, il rejoignait à Toulouse la cheftaine Pistre et le Père Doncoeur.

Il fut encore nommé en mai de la même année, sous l’appellation énigmatique de Michel M…, pour des journées provinciales en Berry-Bourbonnais et une journée des chefs en Gascogne-Pyrénées…

Mais Michel Menu devait à cette époque avoir des engagements beaucoup plus orientés vers la Résistance puisque, devenu chef du service évasions, il mettait en place, dès 1943, des filières pour faciliter les trajets des évadés vers l’Espagne.

La guerre se poursuivant, sous le nom de « Sultan » il fut nommé lieutenant la même année et faisait alors partie du « Réseau Action R.3 » aux ordres de Jacues Picard, pour lequel il effectua diverses missions, notamment l’organisation d’atterrissages clandestins d’hommes et de matériel en provenance de l’Angleterre.

En février 1944, il devenait capitaine et en juin il rejoignait le maquis Mary-Basset près de Tartare (Rhône/69170), et participait à diverses opérations.

Après la Libération, il était appelé par le Général de Lattre de Tassigny et le Colonel Descours au commandement de l’Ecole des Cadres de Saint-Genis-Laval à Lyon, le 5 septembre 1944. A la tête de cette école, il fut affecté au 8e Régiment de Tirailleurs Marocains pour former une compagnie d’assaut. Il participa avec ce régiment et ses élèves à la campagne d’Alsace en novembre et décembre 1944.

Réminiscence du BCRA ou toujours appartenance à cet organisme, il fut envoyé en mission spéciale début 1945, et acheva une dernière opération en Tchéchoslovaquie en mai de la même année.

Il fut ensuite nommé Commandant adjoint et Directeur des Etudes à l’Ecole d’Artillerie de Châlons-sur-Marne.

Il était démobilisé le 2 avril 1946.

C’est sur un appel conjoint des pères Doncoeur et Forestier qu’après sa démobilisation Michel Menu fut appelé au QG des Scouts de France, où il ne prit sa place qu’au tout début 1947.


La situation au QG des SdF en 1946

Quand Michel Menu fut ainsi appelé, une équipe nationale était en place depuis le 25 août 1944. George Gauthier, après avoir montré beaucoup d’hésitation et avoir fait un tour de France des unités, avait finalement accepté cette responsabilité, qui devait être officialisée le 15 août 1946 à Strasbourg, lors d’une grande réunion de 10 000 routiers, chefs et cheftaines.

Menu, proposé par les Pères Doncoeur et Forestier au poste de CNE, dans le courant de 1946, avait lui aussi demandé également à prendre le pouls des troupes dans les diverses régions de France. A la même époque, il participa aussi à l’encadrement de stages pour la formation des chefs à Chamarande où il connut François Lebouteux. Il développait déjà des arguments percutants dans un langage direct et peu conformiste.

Finalement, une équipe nationale fut formée autour de Geo Gauthier, et adoptée à l’AG de Strasbourg le 15 août 1946. Michel Menu, assisté de Bernard Faure et Marcel Leclerc, devenait CNE pressenti, en remplacement de Michel Blanchon qui avait été CNE de la Zone Nord et qui, débordé de travail professionnel ne pouvait continuer. Michel Rigal, ancien prisonnier pendant 5 années dans un oflag, prenait le commissariat de la Route et Françoise Pistre restait au Louvetisme. Les précédents aumôniers conservaient leur poste : le Père Forestier, AN, assisté des Pères Le Bourgeois et Morel, le père Rimaud ANE et l’abbé Joly, ANR. La même équipe, ou presque, sera encore confirmée à l’AG du 10 décembre 1947, avec cette fois l’acceptation définitive de Michel Menu.

Pour la branche Eclaireurs en octobre 1946 les buts proposés aux chefs et aux garçons furent le « Scoutisme en milieu populaire » et la « modernisation des techniques »

Début de CNE.

Michel Menu avait donc fait de son coté le tour des provinces scoutes et en avait tiré de nombreuses observations, qu’il confronta avec les déductions que Baden Powell avait faîtes 40 années auparavant. Perturbé par le matérialisme de l’après-guerre et la politique envahissante, le jeune de 1946/47, selon Menu, semblait ne plus vouloir se satisfaire des moyens que le scoutisme avait jusque là mis en œuvre avant le conflit. « IIl faut, disait-il, comme B.P nous l’a indiqué, s’occuper de la tranche « adolescente » et retrouver le projet originel du fondateur pour les garçons de 14 à 16 ans… »

Logiquement, il en tirait des conséquences pour le renouvellement des méthodes éducatives, et dès le numéro de janvier 1947 du mensuel « Le Chef », Menu esquissait déjà, dans un style surprenant pour cette revue, un programme qui allait se préciser au fil des articles et des mois de cette année 47 : « B.P s’est-il trompé? Le chef doit apprendre les qualités du silence, de la beauté, de l’effort, savoir se débrouiller pour son propre compte, compter avec le service du prochain… Les garçons doivent trouver l’aventure, l’action, la libération… »

Curieusement, Pierre Goutet, l’ancien CNR d’avant-guerre et forte personnalité du Conseil National, partageait aussi l’idée d’un même changement radical dans la méthode éducative. Mais alors que Menu, se basant sur l’action directe trouvait les CP endormis, les chefs plus occupés de confort personnel que de raids pour leur troupe, et tentait de réveiller le petit monde des Eclaireurs ; Goutet était persuadé que le scoutisme embourgeoisé prenait un mauvais chemin, et qu’il devenait vital de le rendre plus social et plus politique. A sa façon, il voulait aussi réveiller le QG en lui disant qu’il fallait poursuivre une initiative politique et sociale des garçons. Il pensait que c’était une « question de vie ou de mort ». Ce furent du moins ses propos très véhéments à l’AG des 1er et 2 novembre 1947.

On peut dire qu’à ce moment s’esquissait une réforme fondamentale du scoutisme catholique, qui suivra par la suite deux courants opposés. Celui de Menu sera de type éducatif pour adolescent (et à l’inverse d’un mouvement de jeunesse plus ou moins politisé), il se visera à renouveler l’enthousiasme par l’action, le dépassement aussi bien physique que moral. Celui de Goutet, soutenu d’abord par Cruiziat puis par Rigal, visait à une remise à plat de toutes les conceptions sociales et même religieuses pour « ouvrir » le scoutisme au monde nouveau.

La proposition « Raiders »

C’est à l’AG des 10 et 11 juillet de l’année 1948 tenue à Chamarande que Michel Menu fit pour la premières fois la proposition « Raiders ». Dans son rapport annuel extrêmement consciencieux, George Gauthier analysait la médiocrité du scoutisme pratiqué par les troupes. Il y trouvait trois raisons :

- Déclin de l’esprit de dévouement et de service.

- La méthode n’éveille plus le même intérêt.

- La crise de l’idéal.

Il faisait confiance au CNE pour lancer ce qu’il appela « une rechercha d’adaptation », lui laissant le soin de faire la proposition.

Menu ainsi soutenu par le CG et par le Père Forestier, exposa longuement son projet. Il rappela d’abord les succès du scoutisme en les confrontant à l’évolution des données en cette après guerre difficile. « Période ingrate pour les familles, sans conception de vie », avec une « ambiance sociale, politique, faite de hasard, de décousu, une ambiance psychologique ayant pour modèle le débraillé des hommes de gouvernement. En corollaire, il soulignait le développement du « mimétisme instinctif », de l’esprit « mouton » créé par la presse, la radio et le cinéma.

Trouvant le scoutisme « inébranlable » mais devant « s’adapter », il apporta le fruit et le sens de sa propre recherche d’adaptation par rapport aux techniques, au sens chrétien, aux possibilités, aux évolutions morales, aux sports même, en tenant compte des conditions de vie.

Dans sa conclusion, Menu proposait un « système d’entraînement collectif en correspondance avec les goûts d’aujourd’hui, en recréant un courant d’enthousiasme pour les activités. » Le mot même de « Raiders » était lancé à titre provisoire. Mais il utilisait déjà un vocabulaire étonnant : Woodcraft, missionnaire, sportif, conducteur-mécanicien, service volontaire, enrôlement, insignes particuliers, uniforme spécial…

En 1949, les « Raiders », dont le nom avait fait fortune étaient définitivement lancés, « l’adaptation » s’annonçait bien et cette nouvelle phalange du scoutisme qui suscitait cet enthousiasme espéré devait devenir l’élite du mouvement. Par leur modernité, leur intérêt pour les techniques, leur singularité qualitative à la fois morale et physique, ils devenaient «  les locomotives » d’un scoutisme régénéré mais fidèle, quoique rénové, à l’esprit de Baden Powell. Surtout, ils retenaient et assimilaient les doctrines religieuses et morales des Doncoeur et Forestier, en un tout dynamique, moderne et spirituel.

Parachevant sa formation, M. Menu faisait en 1950, un stage à Giwell pour recevoir le diplôme de D.C.C.

Les dix glorieuses des Eclaireurs : Raiders ! Go !

Sans entrer dans le détail de l’organisation et l’impulsion que les raiders apportèrent aux SdF, bien que représentant une minorité dans la branche, il faut souligner que, par la « barre » que Menu plaçait très haut, par le nouveau style qui « accrochait », il y eut véritablement un renouvellement. Il fut évident, non seulement dans le mouvement, mais il déteignit dans les autres associations de scoutisme pourtant déjà engagées, pour certaines, dans des changements évolutifs révolutionnaires comme la co-éducation. Aujourd’hui encore cet état d’esprit subsiste à l’état de mythe dans beaucoup d’esprits et s’efforce même de ressusciter çà et là au fil des années.

La branche éclaireur atteignit son niveau technique et moral le plus haut, interpellée virilement et fort par son CN dans un langage dru très direct. On en avait fini avec les héros de l’époque coloniale, avec l’ancienne chevalerie, on parlait moto, auto, avion, parachutisme, judo, pêche sous-marine, sports de montagne. Menu avait le don des formules, des exemples saisissants (parfois empruntés à d’autres, mais toujours percutants) : Une allumette brûlant seule au milieu de la foule n’est qu’une toute petite flamme, mais dix mille allumettes craquées dans un stade rempli par cette foule créent une lueur aveuglante.

Le raid de Wingate et de ses hommes dans la jungle birmane au cours de la 2nd guerre mondiale devint le modèle qui hantait tous les apprentis Raiders, et Menu savait s’inspirer des exemples d’actualité encore plus récente, comme la catastrophe aérienne précédente, les inondations récentes, la conquête de l’Annapurna… Tout lui était bon pour interroger les « boys » directement sur ce qu’aurait été leur comportement dans une telle éventualité qui demain pourrait leur poser semblable problème.

Fidèle aussi à la spiritualité du scoutisme, il demandait au dépassement religieux, la recherche de Dieu, la pureté, une égalité avec les actions purement physiques. Les unes dépendaient des autres, et le Raider ne pouvait rien sans son sens religieux et son épanouissement chrétien, ce qui ne sera pas toujours forcément suivi.

En 1951, Michel Menu et son équipe lançaient les créations de patrouilles libres conçues pour répondre aux besoins des zones rurales, des banlieues isolées, là où l’existence d’une troupe semblait impossible.

Tandis que cette montée stimulée par la préparation collective de cet échelon de prestige, faisait acquérir, aux prix d’efforts communs, l’insigne et l’uniforme raiders, les critiques ne manquaient pas. Le style et les nouvelles troupes raiders qui, ici ou là, prenaient des allures très martiales, firent naître la rumeur qui les assimilait à des unités paramilitaires exaltant l’esprit « commando » ou pire, pour les chagrins, « parachutiste ».

Parmi les camps raiders qui fournirent l’occasion de montrer l’esprit, la tenue et les résultats de la méthode, il faut citer celui de Combrit (juillet 1951), puis ceux de Landévennec, de Chaumeçon, en 1953, celui de « l’Etincelle » pour les Patrouilles Libres en 1954 et surtout le rallye raider de la Banne d’Ornanche (1956) où plus de 800 patrouilles de raiders-scouts décidèrent dans l’enthousiasme de partciper à l’opération « Soleil Levant », pour fonder des troupes dans les villes nouvelles et les grands ensembles. Les Raiders malgré leur nombre relativement restreint au sein de la branche éclaireur, semblait devoir la « tirer » hors d’elle-même.

Toute cette action n’aurait pu être menée à bien sans une équipe nationale soudée. Menu, secondé par Marcel Leclerc, puis par Jean Lagarde, fut épaulé par un aumônier hors du commun, le jésuite Jean Rimaud et, dans les années 1955/56, par les RP Venard et Le Bourgeois de l’Ordre des Eudistes.

Retour au réel, l’extension des idées progressistes.

Pendant que se déroulait cette expérience assez unique dans les annales du scoutisme, les événements politiques, une fois de plus, marquaient le pays : déclin de l’empire colonial, abandon de l’Indochine, début de soulèvement en Algérie, Ive République discréditée. L’idée généralement la plus répandue au sein des milieux progressistes était que la socialisation du monde devenait irréversible. Ce postulat qui était aussi une excuse modifiait les comportements et les raisonnements au même de l’Eglise catholique, à commencer par les ordres religieux comme les dominicains, ou les jésuites. Tandis que le Saint Office condamnait au silence ou à l’isolement des personnalités comme les pères de Lubac, Congar ou Liégé, les mêmes bénéficiaient du soutien feutré de leur ordre, c’est ainsi que le père Liégé devenait, au moment même où Rome le sanctionnait, aumônier de la Route.

George Gauthier, fatigué, avait démissionné en 1952, amenant Rigal au Commissariat Général, et déjà une large évolution des idées se faisait jour, notamment dans la revue « La Route » où, de plus en plus fréquemment, des prises de positions syndicales ou politiques se dissimulaient de moins en moins derrières des excuses sociales.

Au sein même des SdF, l’expérience de Michel Menu s’opposait de facto à la volonté de réaliser une autre expérience beaucoup plus orientée vers l’action communautaire et sociale, telle que Cruizat la dépeignait dans sa revue et son mouvement « Vie Nouvelle ». Cette opinion était largement relayée par « La Route » et la branche qui, sous la direction de Paul Rendu et du père Liégé, avait tenu, en janvier 1954, un IIe Congrès déjà orienté, sinon manipulé.

En 1955, le départ brusqué du Père Forestier devait montrer dans quel sens se dirigeaient désormais les SdF. A la fin de 1956, la préparation de l’AG au cours de laquelle la Route se transforma en « mouvement de jeunesse » amenait la démission de Michel Menu qui, avec Françoise Pistre, s’était opposé à cette modification essentielle.

Entre réserve et réplique.

Au moment où M. Menu démissionnait, ce que l’on appelé la « crise de la Route », qui fut aussi celle du scoutisme catholique, commençait. Dès le début de 1957 on apprenait le renouvellement presque complet du Conseil National et, le 11 mai suivant, toute l’équipe Route démissionnait à grand fracas. Quelle pouvait être la réplique d’un « battant » comme l’ancien C.G alors que Jean Lagarde le remplaçait à la tête de la branche éclaireurs et poursuivait l’opération « Soleil Levant » ?

Dans un premier temps, Menu se consacra entièrement à ses obligations familiales et professionnelles. Simplement fidèle à la Loi Scoute ou au mouvement, Michel Menu s’imposa un devoir de très grande réserve. Il faut encore souligner que père de famille de 5 enfants, n’ayant accepté d’être « permanent » que pendant 2 ans, il s’efforçait de conserver une indépendance financière. Grâce à ses capacités, son expérience et un sens de l’autorité qui lui conféraient une grande valeur professionnelle, il exerçait des activités d’ingénieur de haut niveau qui accaparaient beaucoup de son temps redevenu libre.

Pourtant au fil du temps des événements se succédèrent en cascades : arrivée de François Lebouteux que Menu avait un temps considéré comme un éventuel successeur. Venue d’Emile Visseaux, futur CG et départ de Françoise Pistre en 1958, débuts, à mots couverts, de l’expérience pionniers – rangers, départ de Jean Lagarde en 1959 le tout dans un climat où le vocabulaire nouveau modifiait profondément les sens des mots et les valeurs du scoutisme.

La première réplique de Menu fut la publication d’un livre « Scoutisme et engagement » qui, à sa façon, s’efforçait de mettre les choses au point et de redonner son sens à la pensée créatrice de Baden Powell : « On se rendait compte brusquement que le Scoutisme formait, au sein d’un monde surperangoissé, une sorte d’îlot édénique… il devait regagner en vitesse le continent, devenir une pépinière de militants sociaux , politiques… et il va sans dire, religieux. Il ne méritait pas cela. »…

L’année suivante, en 1961, il publiait le « CP et son gang », sorte de bréviaire scout à la gloire du « Système des patrouilles » et des CP, tandis qu’une année après, Géraud Keraod reprenait officiellement les Guides et Scouts d’Europe en France.

C’est alors que peu à peu les réfractaires à la réforme du scoutisme catholique s’opposèrent ici et là en réaction aux mesures révolutionnaires des SDF et à l’expérience pionniers/rangers qui se généralisait en 1964.

Dans ce climat, Michel Menu ne se bornerait-il qu’à publier des livres et ne s’impliquerait-il pas dans cette sorte de « résistance » alors que les Raiders qu’il avait créés tombaient lentement en désuétude par la non gestion de la méthode et l’absence de mesure officielle ?

Beaucoup regrettaient ce demi-effacement de Menu, alors qu’avec son autorité, le prestigieux « commissaire des Raiders-Scouts » aurait donné une signification beaucoup plus large à un scoutisme d’opposition !

Pourtant en 1965, Menu se joignait à l’équipe rédactionnelle d’une petite revue «  Réflexions de Scoutmestres » créée par Maurice Travers. Au cours des 10 numéros de cette parution (le dernier en 1968), il rappela vertement quelques principes en des phrases lapidaires qui enthousiasmaient les déçus des réformes. Mais le fond de sa pensées restait orientée vers une évolution du scoutisme, (ainsi qu’il l’avait commencée avec les Raiders) et qu’il ne désespérait sans doute pas de créer par un climat de réflexions propices pour opérer la synthèse entre la réforme « Pionniers/Rangers » et la « dynamique fondamentale du scoutisme »…

Menu, ses ouvrages successifs et ses projets d’unité.

En 1966, Menu publiait encore «  Art et Technique du Scoutmestre », brillant ouvrage pédagogique et psychologique sur ces expérences vécues et pratiques dans l’art de mener une troupe de façon classique, et qui fut le volume de tous les « réfractaires » et « unitaires ».

Le principe d’une entente entre un scoutisme même évolutif et les changements déjà engagés au sein des SDF ayant échoué. Menu, placé apr la revue « Réflexions de Scoutmestres » à la tête d’une équipe (ses anciens adjoints aux raiders), d’efforçait d’animer, quand il le pouvait, des réunions informelles toujours tournées vers l’explication des difficultés, et récusant tout forme de dissidence officielle.

Car Michel Menu, compte tenu de ses activités professionnelles qui l’entraînaient sans cesse en Afrique ou au Moyen Orient, ne participait qu’occasionnellement à nombre de ces réunions. Il travaillait, cependant avec ses amis, à un nouveau projet capable de tenter l’opportunité d’une synthèse déjà vainement recherchée. Il le présentait au cours de « Journées nationales unitaires » tenue à Courances, à la fin de mai 1966, devant un rassemblement de chefs opposés aux changements et même une délégation de la FSE.

Inspirée à la fois des Raiders et du scoutisme amériain, cette nouvelle variante d’une autre forme de scoutisme baptisée « Jet-Scout » dont les « Explorers » formaient la base. La terminologie très anglo-saxonne, ainsi que Menu aimait à l’employer, était censée réveiller un climat de sympathie agissante. Ce fut le contraire qui se produisit et, dès lors, toute la contestation se polarisa vers les Guides et Scouts d’Europe ou les SUF en gestation, apparemment les seuls à miser sur la tradition et les respect des idées de Baden Powell. Menu fit cependant encore un pas hors de sa retraite en se groupant avec Henry Dhavernas, Pierre Delsuc et Pierre de Montjammont, tous les quatre revêtus de l’autorité de leur brevet de D.C.C, pour publier, en 1967, un document intitulé «  Bases fondamentales du Scoutisme », qui rappelait de façon claire et précise la méthode et ses lois, se finalité, ses moyens, toutes questions en opposition, au moins partielle, avec les nouvelles directives des SdF.

Dans le désert au pas des « goums »...

Très certainement déçu, incompris des contestataires et rejeté par les autorités officielles, Menu abandonnait tout espoir de refaire l’unité et constatait que la pénétration des idées progressistes politiquement colorées dans le scoutisme avaient abouti à une désintégration de son esprit. Certainement imprégné d’une spiritualité agissante, il chercha une autre façon de servir la jeunesse qui ne compromette pas les SDF, mais qui soit aussi une façon neuve de faire réfléchir. C’est peut-être dans le souvenir des Cadets du Père Doncoeur qu’il créa en 1969 pour les jeunes gens de 20/25 ans un mode plus actuel de ressourcement autant physique que spirituel, qu’il appela « les Goums » (en référence aux goumiers, ces nomades qui vivaient libres et autonomes aux confins de leurs déserts et qui se redressaient et ressuscitaient sous les coups de l’adversité. C’était aussi les auxiliaires de l’Armée Française au temps du protectorat Marocain).

Aujourd’hui encore, sans s’inspirer véritablement du scoutisme, ni de la Route des Cadets, mais dans un état d’esprit que ne renierait pas la méthode, peut-être sans bien le savoir eux-mêmes, les Goums partent librement quelques huit jours par an. Ils effectuent un raid en contrée isolée, voire au vrai désert, pour vivre en équipe très frugalement, marcher pour atteindre un but fixé à l’avance, coucher à la belle étoile et « lorsque » le corps retrouve ses rythmes, l’esprit se sent attiré par l’altitude ». Autrement dit une large part spirituelle doit découler d’un « raid » de gums par la réflexion personnelle et collective.

Par les Goums et l’attrait que leur ont trouvé 15 000 participants en 800 raids (entre 1969 et 1996), Michel Menu a retrouvé, en vivant et marchant avec eux, une audience dans une certaine jeunesse éprise encore de dépassement, et soucieuse de « partir au désert » loin du monde.