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C’est tout juste s’il n’ajoute pas : voulez-vous que je vous prête un habit ?
C’est tout juste s’il n’ajoute pas : voulez-vous que je vous prête un habit ?
Deux jours plus tard, la colonne de secours de Lord Robert entrait dans la ville illuminée.
Deux jours plus tard, la colonne de secours de Lord Robert entrait dans la ville illuminée.
Quelques années plus tard, en [[1907]], [[Lord Robert BADEN-POWELL|Baden-Powell]] rassemblait son expérience en écrivant : Scouting for boys, Éclaireurs. Le succès foudroyant du mouvement scout le prenait désormais tout entier, et lui faisait commencer ce qu’il a appelé sa « vie numéro deux », celle qu’il nous a consacrée.<br />
Quelques années plus tard, en [[1907]], [[Lord Robert BADEN-POWELL|Baden-Powell]] rassemblait son expérience en écrivant : ''[[Scouting for boys]]'', Éclaireurs. Le succès foudroyant du mouvement scout le prenait désormais tout entier, et lui faisait commencer ce qu’il a appelé sa « vie numéro deux », celle qu’il nous a consacrée.<br />


''(D’après [[Jean-Louis Foncine|Jean-Louis Foncine]] - ©)''
''(D’après [[Jean-Louis Foncine|Jean-Louis Foncine]] - ©)''

Version du 30 novembre 2021 à 23:02

Mafeking

Le corps des cadets de Mafeking
Le corps des cadets de Mafeking

Star.svg Haut lieu du scoutisme
Flag of South Africa.svg Lieu situé en Afrique du Sud

Bataille de BP
Évènements
1899 : Début du siège
1900 : Victoire britannique
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25° 52' 12.00" S, 25° 39' 0.00" E

Mafeking, aujourd'hui Mahikeng, est une ville d'Afrique du Sud, près de la frontière du Bostwana. En 1899, lors de la guerre des Boers, la place était commandée par le colonel Baden-Powell, et sera le théâtre de l'expérience qui allait donner naissance au mouvement scout.

Récit par Jean-Louis Foncine

Le mardi 8 juillet 1899, Baden-Powell déjeune au club militaire, à Londres, quand l’aide de camp de Lord Wolseley, commandant en chef, lui tape sur l’épaule :
- Baden-Powell, vous ici ! Je vous croyais aux Indes.
- Vous voyez comment on peut se tromper.
- Je vous ai envoyé un télégramme ce matin, le commandant veut vous parler.
Une heure après, l’officier frappe à la porte du commandant en chef.
- Ah ! Baden-Powell... heureux de vous voir si vite... je veux vous envoyer en Afrique du Sud.
- Bien, mon général.
- Pouvez-vous partir samedi ?
- Non, mon général.
Le chef surpris fronce les sourcils.
- Et pourquoi donc s’il vous plaît !
- Parce qu’il n’y a pas de bateau qui parte samedi. Mais je puis embarquer vendredi.
Wolseley éclate de rire. La réponse lui plaît, elle trahit un type qui ne s’en laisse pas accroire et assied toutes ses décisions sur de solides réalités. Voilà l’homme qu’il lui faut pour s’occuper de cette malheureuse affaire des Boers.
- Vous serez commandant en chef à la frontière NO du Cap. Vous pouvez lever sur place deux régiments d’infanterie montée. En cas de guerre ouverte, organisez les défenses de la Rhodésie et du Beehuanaland, et tâchez d’occuper les forces ennemies jusqu’à ce que j’ai le temps d’envoyer des renforts.
Baden-Powell fait la grimace. Il la fait encore plus quand il arrive sur les lieux. Les Boers (secrètement, l’éclaireur eût toujours de la sympathie pour ces vieux colons, Européens puritains et courageux) sont d’excellents tireurs. Ils connaissent et aiment leur pays. Ce sont des éclaireurs nés. Rudes adversaires !

Carte d'Afrique du Sud à l'époque de la bataille de Mafeking

Mafeking

Mafeking, où Baden-Powell s’installe, est une bourgade sans défenses naturelles, en plein vent, pays de savanes traversé par la petite rivière du Molopo : une poignée de maison au toit en fer blanc, une église, un essaim de huttes circulaires en pisé rouge, deux voies de chemin de fer. La population : 7000 indigènes, d’un loyalisme douteux, 1800 blancs. Dans tout ça on peut recruter 1200 hommes... à condition d’aller de 17 à 102 ans...
Dès septembre, tous les renseignements confirment le danger : le meilleur général Boer, Cronje, à la tête de 9000 hommes, se dirige sur Mafeking... Il ne va faire qu’une bouchée de ce trou de mulot.
Alors va commencer une partie étrange, presque extravagante, qui demeurera légendaire dans l’histoire du monde, non seulement parce qu’elle marquera le triomphe de l’Angleterre, non seulement parce qu’elle sera pratiquement à l’origine du scoutisme mondial, mais parce qu’elle traduira, de manière définitive et éclatante, ce que peut l’intelligence d’un chef inventif, audacieux, pétri d’humour et de hardiesse, pour tirer tout le parti possible d’une situation désastreuse et quasi désespérée.
Baden-Powell entraîne jour et nuit ses nouvelles recrues. D’une collection d’épiciers, de conducteurs de tramway, de gardiens de troupeaux, il fait des combattants... non pas en les bourrant de prescriptions réglementaires, d’exercice de manuel, mais en les conduisant par toute petites escouades dans de vastes exercices de plein air où la finesse, l’astuce, la débrouillardise, jouent un rôle bien plus décisif que la science militaire. Le 9 octobre, le service des renseignements lui fait tenir un télégramme : « Pluie abondante en perspective pour votre foin ». En clair, cela voulait dire : préparez-vous à la bataille.
Un système de tranchées avec de petits forts venait juste d’être terminé autour de la ville. L’ennemi, qui s’attendait à une promenade militaire, en reste éberlué.
Cronje, avec ses 9000 hommes amène son artillerie qui était sérieuse et commence à bombarder la ville. Certain d’avoir intimidé les Anglais, il envoie un émissaire demander la reddition. « Pourquoi ? » est la seule réponse de Baden-Powell.
Quelques temps après, ayant reçu une nouvelle délégation des Boers, l’officier Anglais répond : - Dites à votre général que je suis désolé que vous vous soyez dérangés, mais que je lui ferai moi-même tenir un message quand nous serons las de résister.

John Goodyear et ses « cadets »

Malgré tout, 1200 hommes sans artillerie, contre 9000 pourvus de moyens puissants, c’est un peu mince ! Baden-Powell a une idée derrière la tête : il a remarqué que dans la ville se trouvent une centaine de garçons de 13 à 16 ans qui brûlent de jouer aux petits soldats, fourrent leur nez partout où ils n’ont que faire, se moquent des bombardements, suivent les soldats dans les exercices en terrains variés, et se faufilent jusque dans les camps des Boers, pour le seul plaisir de ramener en ville des tuyaux sensationnels...

Mafeking.png

Il empoigne un beau jour un de ces gosses enragés, par le col de la chemise, le traîne dans son bureau.
- Comment t’appelles-tu ?
- John Goodyear, Sir.
- Tu as l’air d’avoir envie de te battre.
- Et comment Sir!... Oh! Sir... prenez-moi dans l’armée. Laissez moi signer l’engagement.
- Pas question ! Mais je vais te mettre à l’épreuve. Je peux avoir besoin de jeunes garçons dégourdis, pour des tas de missions : porter des plis, faire le service d’ordre en ville... guetter l’ennemi.
- Oh ! Sir... ce serait formidable, je suis votre homme.
- Reviens demain, à dix heures, on te donnera un uniforme, et puis amène-moi tous les types de plus de 12 ans, capables de faire quelque chose de bien et dont tu peux répondre.
- Yes, Sir...
Et ce jour, sur son petit carnet, le colonel note :
« Je suis sûr qu’on peut se fier aux garçons aussi bien qu’aux hommes, pourvu qu’on leur fasse confiance et qu’on les rende responsables de leurs actes.»
Le lendemain, John Goodyear reparaît, dans le magnifique costume de l’armée britannique que l’intendance lui a ajusté sur mesure. Il porte le grand chapeau crânement relevé sur le côté. Vingt-cinq jeunes garçons le suivent : le premier contingent des « Cadets de Mafeking » !
Baden-Powell rugit de plaisir.
- Bravo, Boy ! Tu vas me désigner les deux ou trois types qui sont capables de commander. Et tu leur donneras à chacun six ou sept garçons à conduire. Toi, je te nomme sergent-chef.
Rouge de bonheur, Goodyear va faire coudre ses galons sur sa manche.

Des mines explosives... remplies de sable !

C’est en partie avec ses éclaireurs d’élite, en partie avec ces « cadets », que Baden-Powell va monter cette succession de grandioses supercheries, de coups d’audace et de bluff, grâce à quoi il triomphera, d’un ennemi qui lui était sept ou huit fois supérieur en nombre.
L’artillerie de Mafeking était digne de figurer dans un musée des antiquités; elle comprenait quatre petits canons à l’âme si usés par l’âge, qu’il fallait caler les obus avec du papier. Les ateliers des chemins de fer en fabriquèrent un autre de beaucoup plus grosse taille, au moyen d’un tuyau à vapeur de machine, renforcé par de vieux rails de fer refondus et enfoncés à l’intérieur du fût, le tout monté sur la carcasse d’une machine à battre. Cette bombarde d’un nouveau genre faisait un tel fracas que les Boers crurent aux essais d’une arme nouvelle ultramoderne.
Le second canon fut découvert par hasard... C’est le major Godley qui s’aperçut que le pilier de la porte d’entrée d’une ferme était une ancienne caronade du XVIIIe siècle. On la fit sauter du mur et on la remit en usage. Les initiales du constructeur, gravées sur la culasse, étaient celles mêmes de Baden-Powell ! Quand on a la Barraca !
Avec ses « Cadets », Baden-Powell disposa lui-même tout un lot de mines, soi-disant explosives, autour de la ville. Des poteaux indicateurs annonçaient le danger en lettres géantes.
L’officier savait que les espions se chargeraient de transmettre la nouvelle. En fait, les prétendues mines étaient des boîtes à biscuit remplies de sable... à l’exception d’une, qu’à titre d’essai, Baden-Powell se chargea lui-même de faire exploser et qui fit grande impression sur l’ennemi. Le principal but du commandant en chef était atteint : décourager les attaques de nuit.
Les gosses avaient remarqué que, lorsque les Boers tentaient une sortie ou un raid de reconnaissance, ils sautaient précautionneusement par-dessus les fils barbelés qui entouraient leur camp. Les Anglais n’avaient aucun réseau de défense, mais ils plantèrent toute une forêt de petits bâtons et ils imitèrent exactement les mouvements des Boers pour faire croire que leur camp était aussi entouré de fils de fer.
Une autre ruse excellente consista à fabriquer un grand projecteur au moyen d’un bidon de fer blanc fixé au sommet d’une perche et éclairé à l’acétylène. En transportant ce projecteur géant d’un fort à l’autre, et en l’allumant brusquement à certaines heures de la nuit, ou à certains bruits suspects, on fit croire à l’ennemi que toute une série de projecteurs était en place pour parer aux attaques. Les Boers affolés renoncèrent à tout assaut nocturne.
Baden-Powell avait un porte-voix qui portait la voix à 1200 mètres. Chaque nuit un officier de service se plaçait au meilleur endroit et hurlait : « Couchez-vous, avancez, baïonnettes au canon ! Ne tirez pas, avancez lentement ! » Ceci énervait l’ennemi qui, de temps en temps, envoyait quelques salves de cartouches. Pendant ce temps-là tous les hommes de Baden-Powell dormaient paisiblement.

Et des cannes à pêche pour lancer les obus !

Mais à mesure que le siège dure, les vivres diminuent. Les garçons qui faisaient autrefois l’estafette sur des chevaux ou sur des ânes ne servent plus guère que de bicyclettes. Les ânes et les chevaux sont passés en biftecks et en bouillon. Le journal de Mafeking « paraissant tous les jours quand les canons le permettent » soutient le moral. Baden-Powell est à peu près le seul à savoir qu’il ne subsiste que 300 obus. On fabrique dans les caves d’étranges grenades et bourrant du charbon pilé et du salpêtre avec des cailloux dans des boîtes à conserve. Elles font plus de bruit que de dégâts. Ces sacrés gamins ont inventé de les lancer avec des cannes à pêche, ce qui en augmente notablement la portée.
Le « Cadet Corps » comporte maintenant une cinquantaine de recrues. L’expérience est concluante : « On peut demander à des adolescents autant qu’à des hommes ». Insouciants du danger, ils vont aux avant-postes, ils forcent le blocus pour porter des lettres à des tribus amies, qui les remettront aux colonnes de secours anglaises. Ils se débarrassent de leurs vêtements, se noircissent la peau pour que les Boers les prennent pour des indigènes, et sortent de la ville en nageant dans les eaux du Molopo.
Baden-Powell immortalise ses vaillants Cadets en dessinant lui-même leur image héroïque sur des timbres-poste de fortune, qu’il émet en remplacement des timbres officiels épuisés. Le 1er avril, la reine Victoria envoie le télégramme suivant :
« Je continue à suivre avec confiance et admiration les défenseurs, patients et résolus, que vous commandez si vaillamment ! »
Le télégramme arrive le 12 avril, le jour même du plus puissant bombardement que la ville ait connu.
Les Boers ont reçu un nouveau commandant en chef, Sarel Eloff, petit-fils du président Kruger. Tout en préparant l’attaque décisive, Eloff invite l’armée assiégée à un match de cricket. Baden-Powell lui répond qu’il lui est impossible de mener de front deux jeux à la fois, le jeu de cricket et le jeu de Mafeking.
Eloff, blessé dans son amour-propre, décide de tenter le suprême assaut le 12 mai. Tandis que l’infanterie attaque à l’Est, la cavalerie, passant à couvert sur les bords de la rivière, se jette à l’ouest sur la ville indigène. L’affaire prend vilaine tournure pour les Anglais; mais Baden-Powell avait fait creuser à ses cadets un système de tranchées très perfectionné, un véritable labyrinthe. Avec une audace sans pareille, il fragmente toutes ses troupes en petits groupes peu nombreux; « commandos d’action » digne d’une armée moderne. Les Boers sont pris dans le lacis de ce labyrinthe comme des mouches dans une toile d’araignée. Ils voient les Anglais surgir devant, derrière, sur les côtés... Ils ne prennent plus le temps de les compter. Vers 18 heures, Baden-Powell, sur son observatoire, esquisse le premier sourire de la journée. À la nuit tombée, dans la fumée des incendies, surgissent, couverts de suie, de terre et de sang, les Cadets joyeux, ramenant vers la ville des centaines de prisonniers désarmés, dont Eloff le général en chef.
« Bonsoir Eloff, dit simplement Baden-Powell. Heureux de vous rencontrer ! Vous arrivez juste à temps pour le dîner ! »
C’est tout juste s’il n’ajoute pas : voulez-vous que je vous prête un habit ? Deux jours plus tard, la colonne de secours de Lord Robert entrait dans la ville illuminée. Quelques années plus tard, en 1907, Baden-Powell rassemblait son expérience en écrivant : Scouting for boys, Éclaireurs. Le succès foudroyant du mouvement scout le prenait désormais tout entier, et lui faisait commencer ce qu’il a appelé sa « vie numéro deux », celle qu’il nous a consacrée.

(D’après Jean-Louis Foncine - ©)

Situation

Mafeking, qui s'appelle Mafikeng entre 1977 et 2012, puis Mahikeng depuis, est située au dans la région centre-ouest de l'Afrique du Sud, à environ 300 km à l'ouest de Johannesburg et Pretoria, à proximité de la frontière du Botswana.

Situation de Mafeking en Afrique du Sud. Zoomez pour plus de précision.

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