Histoire du scoutisme en France

De Scoutopedia

Bien que le scoutisme soit né en Grande-Bretagne, la France a eu dès le début du 20ème siècle une réelle influence sur le développement et la diffusion du scoutisme mondial à travers les colonies qu'elle possédait et par la qualité de son scoutisme. Le jamboree de la Paix organisé à Moisson près de Paris en 1947 reste dans la mémoire scoute mondiale comme un des temps forts du scoutisme "à la française" d'après-guerre.

Par la suite, les mouvements scouts français (et d'autres mouvements scouts en Europe : Belgique, Suisse, Italie, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, ...) rénoveront en profondeur leur projet éducatif. Ces réformes pédagogiques, notamment le choix de la co-éducation (éducation concertée des garçons et des filles) et de nouvelles propositions pour les adolescents et les aînés bouleverseront en profondeur le paysage scout mondial.


Les débuts du Scoutisme en France

Les découvreurs du scoutisme en France

A partir de 1908, les premiers à s'intéresser au Scoutisme de Lord Baden Powell sont des pasteurs protestants après la parution d'un article du journaliste André Cheradame dans le "Petit journal" présentant les "boys scouts". Les pasteurs lancent les premières troupes d'éclaireurs et obtiennent vite du succès : le pasteur Gallienne transforme en troupe d'éclaireurs son patronage dit "école de garde" du quartier Grenelle à Paris. Les troupes sont alors formées de 75% de jeunes catholiques, ce qui interpelle évidemment certains prêtres catholiques.

C'est Nantes que le scoutisme est expérimenté pour la première fois en France dès 1909 [1][2] par Emmanuel Chastand. Une première unité d'adolescents issue de la mission populaire évangélique se développe grâce aux contacts privilégiés entre les groupes appartenant à l'Union Chrétienne de Jeunes Gens (UCJG) et leur organisation-mère (YMCA) située en Angleterre, berceau du scoutisme.

En 1911, Baden Powell vient présenter aux Français le scoutisme et son succès en Angleterre et dans tout l'Empire. Cela renforce les certitudes des pionniers du scoutisme français sur les bienfaits de la méthode.


L'impossible unité

Henri Viaux, dans son livre intitulé "Aux sources du scoutisme français" (Éditions du Scorpion, 1961), donne des précisions sur l'enquête (en fait, une mission d'espionnage !) menée par Nicolas Benoit en Grande-Bretagne, action qui montre que Benoit a été avec Georges Bertier et Pierre de Coubertin l’un des promoteurs du Scoutisme en France.

De par sa notoriété, Pierre de Coubertin, rénovateur des Jeux Olympiques modernes, a aussi joué un rôle considérable dans l'introduction du scoutisme dans notre pays qu'il considère comme un moyen de régénération de la jeunesse au même titre que le sport. Henri Viaux raconte l'unité initiale du scoutisme de France, une unité qui sera de bien courte durée (ndlr : 5 jours !) avant que l'oeuvre n'éclate en trois associations :

La désunion provenait moins de questions liés à laïcité comme on le croit souvent que du désir différent des Éclaireurs de France et des Éclaireurs Français de se démarquer plus ou moins fortement du scoutisme anglais, et le choix fait par les Éclaireurs Unionistes de puiser leurs sources directement dans l'Évangile. Mais les EUF n'en resteront pas moins d’excellents partenaires des EDF, notamment à partir de 1923 avec les camps-écoles communs aux chefs EDF et EUF encadrés en commun ou à tour de rôle à Cappy et une revue commune.

Les premiers scouts catholiques

L'un des premiers prêtres catholiques a s'intéresser au scoutisme est l'Abbé d'Andréis qui à partir de 1911, met sur pied les "Eclaireurs des Alpes" un mouvement de scoutisme catholique dans le cadre de son patronage avec le soutien de son évêque Monseigneur Chapon. On voit également des initiatives se lancer au Creusot (La Milice St Michel) avec Louis Faure ; à Mâcon (Les Eclaireurs Mâconnais) avec l'Abbé Ferret ; à Autun (L'Avant-Garde Saint-Lazare) avec l'abbé Piguet ; à Paris - paroisse du Rosaire - (Les intrépides du Rosaire) avec l'abbé Marcel Caillet et Henri Gasnier.

Dans le même temps, le Chanoine Cornette, vicaire à St Honoré d'Eylau (Paris), rencontre à Meudon les Éclaireurs de France dont les 3/4 sont catholiques. Il s'en inquiète auprès de ceux-ci et s'attire la réponse suivante d'un jeune chef de patrouille : "C'est de votre faute ! Pourquoi n'y a-t-il pas de scouts catholiques?".

L'idée prendra le temps de mûrir car la plupart des évêques français, à part quelques rares exceptions, sont contre le scoutisme, un mouvement créé par un protestant, militaire et général de l'armée anglaise, et prétenduement issu de la franc-maçonnerie.


Les scouts pendant la Première Guerre Mondiale (1914-1918)

En 1913, un rallye scout a lieu à Birmingham en Angleterre et rassemble 30 000 éclaireurs dont des EDF et des EU.

Un scout fusillé par des allemands

Durant la guerre 14-18, les EDF et EU rendent de nombreux services : accueil des blessés dans les rangs de la Croix Rouge, renseignements dans les lignes ennemies, garde-côtes pour les scouts marins ; toujours au péril de leur vie. Nicolas Benoit, officier de marine à l'origine des EDF, meurt au champ d'honneur à la tête de ses fusiliers marins le 17 décembre 1914.

[[Image:TrioSDF.jpg|right|200px|thumb|Le trio fondateur des Scouts de France : le Père Sevin, le Chanoine Cornette, et Édouard de Macedo

En pleine guerre, le Chanoine Cornette inspiré par le jeune Paul Coze qui a connu le scoutisme en Egypte, ouvre en 1916 avec l'aide d'Édouard de Macedo (président des réunions d'Eylau) une unité de scouts catholiques sur sa paroisse : "les Entraîneurs de St Honoré d'Eylau".

Au même moment, un autre prêtre catholique du nord de la France, bloqué en Belgique, travaille minutieusement à l'étude de la méthode scoute grâce à son voyage en Angleterre où il a rencontré Baden- Powell ; c'est le Père Jacques Sevin. Jacques Sevin fonde en 1919 la Troupe 1ère Lille avec Xavier Sarrazin.

La nécessité d'un mouvement vraiment catholique unifié devient pressante. Le Chanoine Cornette, avec son ami Macédo et le père Sevin fondent, le 25 juillet 1920, la Fédération Nationale Catholique des Scouts de France. C'est le général Louis de Maud'huy qui en prend la présidence.

Les premières unités "Scouts de France" (SDF) sont constituées des troupes des Entraîneurs de St Honoré d'Eylau (Troupe St Louis - Paris) et des troupes Lilloises vite rejointes par les autres unités catholiques indépendantes comme les "Eclaireurs des Alpes" de l'abbé d'Andréis (1ère Nice - 1ère France).

En 1921, les scouts de France sont approuvés par l'Archevêque de Paris alors qu'en 1922, le Général Guyot de Salins remplace le Général de Maud'huy décédé à la présidence. Chez les EDF, c'est André Lefevre (Vieux Castor) soutenu par Georges Bertier qui travaille ardemment pour le mouvement.


Développement et organisation du Scoutisme en France (années 1920 et 1930)

Le scoutisme masculin

Le scoutisme éprouve des difficultés à se faire admettre par l'opinion publique ou religieuse qui ne voit en lui qu'une association paramilitaire. De fait avant 1914 certaines sociétés de tir avaient de jeunes "éclaireurs" tandis que l'autorité militaire eut longtemps tendance à confondre scoutisme et préparation militaire.

A force de travail sur la doctrine et de communication, les différents mouvements scouts rayonnent rapidement. De 1911 à 1923, sept associations sont fondées en France, les réalités culturelles et religieuses françaises n'ayant pas permis la création d'un mouvement scout unifié comme dans la plupart des pays de tradition anglo-saxonne.

  • les Éclaireurs Français (EF), Éclaireurs de France 5EDF) et Éclaireurs Unionistes (EU) en 1911
  • les Scouts de France (SDF) en 1920
  • la Fédération Française des Éclaireuses (FFE) en 1921
  • les Éclaireurs Israélites de France (EIF) et les Guides de France (GDF) en 1923.

Dès août 1920, les différentes associations existantes (EDF, EU, SDF) se rassemblent au camp de Francport. L'idée d'un Scoutisme Français est déjà dans certains esprits, il ne verra le jour que bien plus tard...

Au lendemain de la Grande Guerre, le jamboree d'Olympia à Londres, en 1920, permet d'oublier les séquelles des combats et la fraternité triomphe ! La délégation française compte 125 participants : 75 EU, 50 EDF et 15 SDF.


Le scoutisme féminin

Tandis que les associations scoutes masculines se forment selon des clivages religieux, la FFE va constituer un mouvement extrêmement original avec ses trois sections neutre, israélite et unioniste (protestant). La FFE est ainsi plus fidèle au modèle britannique d’association unique ouverte à toutes les tendances de la société que les mouvements scouts masculins. Ce mouvement reste une espérience unique dans le paysage associatif français et un témoignage que d’autres chemins sont possibles.

L'ouverture d'esprit de la FFE et la prise en compte des réalités communautaires permettent par exemple aux éclaireuses israélites d'être acceptées dès 1928 au sein de la FFE et créer la section "I" (Israélite), tout en étant membres des EIF, partageant groupes locaux et formations.


Importance de la formation dans le développement du mouvement scout

Chefs des 3 mouvements (SDF, EDF, EUF) à la croix St Ouen

Le premier camp de formation scoute est organisé en France en 1921 à la Croix Saint-Ouen sur les bords de l'Oise en forêt de Compiègne. On y rencontre ensemble les chefs des EDF et des EUF, mais aussi Jacques SEVIN, un des fondateurs des SDF. Ce premier camp reçoit la visite de Baden-Powell, fondateur du scoutisme. Tous les mouvements sont d'accord pour dire que le développement doit passer par une formation solide des chefs.

Ce camp de formation est ouvert aux jeunes garçons, scouts ou non, et se propose de les initier au scoutisme. Un premier camp regroupe du 30 juillet au 6 août des chefs des trois mouvements pour mieux faire connaissance et préparer ensemble les trois camps de formation qui suivent : du 8 au 18 août pour les Éclaireurs Unionistes, du 20 au 30 août pour les Éclaireurs de France, et du 1er au 10 septembre pour les Scouts de France.

Le camp de la Croix Saint-Ouen fait apparaître l'importance de la formation des chefs scouts dans le développement du mouvement scout en France. Cette priorité à la formation scoute se traduit par la création de deux centres de formation scoute dès 1923 :

  • Cappy (Oise) pour les EUF et les EDF s'organisent ensemble pour proposer des camps-écoles de valeur. Les EIF participeront à ces camps de formation.
  • Chamarande (Essonne) pour les SDF. Les SDF, grâce au père Sevin, ouvre en 1922 le camp-école dans la propriété de Mme Thome obtenue par le Chanoine Cornette (appelé maintenant le Vieux Loup).
  • En 1933, les EIF auront leur propre centre de formation à la Chapelle-en-Serval (Oise).


Création de l'Internationale scoute

Le congrès scout mondial tenu à Paris en 1922 proclame Baden-Powell Chef-scout du monde et installe le mouvement dans la philosophie de la Société des Nations. Les Français participent activement aux jamborees, grands rendez-vous de cette internationale pacifique et joyeuse de la jeunesse.

En 1923, les mouvements français établissent deux organismes de concertation :

Ces deux organismes favorisent la multiplication des activités inter-mouvements au plan international et donnent naissance à un état d'esprit de scoutisme fédéral.

Les mouvements se développent avec la création des branches cadettes et aînées ; les éclaireurs sont rejoints par des louveteaux et des routiers.

En 1924, 126 français des différents mouvements participent au jamboree d'Ermelunden à Copenhague.

Le Maréchal Lyautey devient Président d'honneur de toutes les associations scoutes de France en 1928. Il sera présent au jamboree de Birkenhead en 1929 en Angleterre où 2.400 scouts français ont répondu présent. Ce Jamboree est marqué par une pluie incessante qui transforme le sol en un tapis de boue et par une Tour Eiffel de 16 mètres de haut réalisée par la 28e et la 5e Paris SDF avec 750 bâtons scouts !

En 1936, le mouvement des "Scouts de France" est endeuilllé par le décès du Général de Salins et du Chanoine Cornette. Le Général Lafont succède au Général de Salins et le Révérend Père Forestier est désigné par les Evêques de France comme Aumônier Général.

La même année, on compte 12 000 EDF, 10 000 EU et 62 000 SDF.


Le Scoutisme Français : les années noires (de 1940 à 1945)

Création de la fédération Le Scoutisme Français

Après la défaite militaire du printemps 1940, le Bureau Inter-Fédéral du scoutisme (BIF) réunit le 5 août 1940 à Vichy les directions des différents mouvements pour étudier les conditions d'un rapprochement des associations scoutes sur la base de l’équivalence des formations de cadres et des pratiques pédagogiques, chaque association conservant sa ligne spirituelle.

Historiquement, les relations entre EDF et SDF étaient difficiles en raison d'une différence d'approche du fait religieux ; pour les SDF en effet, le scoutisme ne pouvait être que religieux. Mais les conditions nationales de 1940 obligent les mouvements à plus d'entraide et de solidarités au service de la jeunesse de France, et un camp de chefs est prévu en septembre 1940 pour travailler à la création du Scoutisme Français. Ce camp de chefs se déroule au château de l’Oradou près de Clermont-Ferrand du 24 au 26 septembre 1940. La Charte de l’Oradou définit les rapports entre les associations. Le dépôt des statuts de la fédération "Le Scoutisme Français" est effectué le 24 décembre 1940 à la sous-préfecture de La Palisse.

La Fédération "Le Scoutisme Français" est sous la direction du Général Lafont, Chef Scout des SDF. Il se trouve ainsi à la tête d'une association de 150.000 jeunes unis dans la diversité des convictions.


Dissolution des Éclaireurs Israélites de France

1940 - Maison d'enfants EIF

Par une loi du 29 novembre 1941 du gouvernement de Vichy, le mouvement des Éclaireurs Israélites de France est dissout comme toutes les organisations juives non cultuelles. Le président du Scoutisme Français, le général Joseph Lafont, obtient des autorités de Vichy que les EIF, bien que ne faisant plus officiellement partie du Scoutisme Français, puissent continuer leurs activités scoutes sous le contrôle du Scoutisme Français.

Le 5 janvier 1943, par un simple courrier adressé au directeur de l'UGIF, Louis Darquier de Pellepoix, Commissaire général aux questions juives, ordonne "d'assurer une dissolution effective et immédiate des EIF et d'interdire leur regroupement sous une forme quelconque" (souligné dans le document original). Cette dissolution ne fait qu’accélérer le passage de ce mouvement à la clandestinité.

Bravant la dissolution, dix chantiers ruraux réunissent 300 "défricheurs". En mars 1944, le 7e Conseil National des EIF réuni à Die interrompt ses travaux pour fuir dans la montagne, pourchassé par les Allemands.

La "Sixième", organisation clandestine de sécurité et d'auto-défense créée par les EIF, sauve les jeunes juifs par milliers.

Aînés et chefs EIF se regroupent dans le maquis de la Montagne Noire (Tarn) avec des EUF [1]. Robert Gamzon (Castor), fondateur des EIF, prend le commandement de la Compagnie Marc Haguenau (Secrétaire Général du mouvement fusillé par les Allemands). La Compagnie participe à la libération de Mazamet et de Castres, est intégrée à la Première Armée et prend part, jusqu'au Lac de Constance, aux combats de la Libération.


Le Scoutisme Français et l'État français

7 novembre 1940 : Pétain en voyage officiel à Montauban.

L’État Français entend faire du Scoutisme un pilier de sa politique de jeunesse. Cette intégration accorde au Scoutisme une audience et des moyens inédits. Le Scoutisme Français est le premier mouvement de jeunesse agréé le 24 juillet 1941. Cet agrément sera toutefois retiré en juin 1943.

Le Scoutisme est interdit en zone occupée. Il devait cependant résister fermement à cette interdiction, subsister presque partout et dans certains cas, progresser. La résistance n'était pas sans risque et la désobéissance a couté la vie à de nombreux chefs (on peut citer Henri Samson, CT EDF à Douai).

Chez les SDF, c'est Eugène Dary qui prend le poste de Commissaire Général alors que le QG s'installe en 1941 à Lyon (il s'était replié un temps à Vichy). Pierre Delsuc s'occupe camouflé de la zone nord occupée. Chez les EDF, André Lefevre dirige la zone nord, alors que Pierre Dejean, commissaire national à Paris est déporté en Allemagne.

Le 15 août 1942, c'est le magnifique pèlerinage routier à Notre-Dame du Puy orchestré par le père Doncœur qui mobilise tous les clans routiers de France, mais toute la jeunesse française y est conviée : "Nous allons au Puy en pèlerinage pour le retour des prisonniers, la délivrance de la France".

Fondée sur l’ambivalence du retour à une société d’autorité, elle n’empêche pas un décrochage progressif vis-à-vis du régime, entamé dans la seconde moitié de 1942. Les contacts se nouent courant 1943 avec le Gouvernement provisoire installé à Alger qui possède sa politique éducative.


Le Scoutisme Français et la France Libre

29 janvier 1943 : une réception est organisée à Londres par le Commissaire International du SF en l’honneur du Général de Gaulle, Président d’Honneur et de Lady Baden-Powell.

Dans la zone libre et en Afrique du Nord les effectifs progressent alors que de nombreux chefs sont absents ; certains en zone occupée, d'autres prisonniers. L'influence scoute est telle que l'on pille partout ses méthodes sans se rendre compte que le scoutisme est d'abord un esprit. Dans les camps de prisonniers, les chefs organisent des clans. Des milliers de prisonniers connaissent ainsi le scoutisme.

En mars 1943 en Grande-Bretagne est décidé la fusion du Scoutisme Français en Angleterre (les Éclaireurs français de Grande Bretagne créés en 1940 dont le Général de Gaulle est le président d'honneur) avec celui d'Afrique. C'est le Médecin Général Adolphe Sicé, rallié dès 1940 à la France Libre au Cameroun et l'un des artisans du ralliement de la colonie au Général de Gaulle, qui en prend la direction. Adolphe Sicé fait partie du mouvement des éclaireurs unionistes. Un Conseil d'Empire du Scoutisme Français est alors créé à Alger, capitale de la France Libre.

C'est à Alger que le Scoutisme Français écrit la réglementation des activités de jeunesse qui est toujours en vigueur. L'ordonnance du 2 octobre 1943 qui fonde jusqu'à aujourd'hui la base légale des activités des mouvements de jeunesse est en effet largement écrite par Pierre de Chelles, commissaire des Éclaireurs unionistes, nommé en mars 1943 responsable du Scoutisme français pour toute l’Afrique du Nord.

En novembre 1944 et malgré l’hostilité de l’administration, le collège algérien du Scoutisme Français accueille les Scouts Musulmans Algériens en son sein. En mai 1945, cette participation est remise en cause après les massacres de Sétif car les SMA sont accusés d'être complices ; la direction du SF tiendra bon.

La guerre s'achevant, la Saint Georges de 1945 reste dans toutes les mémoires ! A Paris, 40 000 scouts de tous les mouvements se rassemblent sur les grandes avenues bordant la place de l'Etoile puis défilent tous ensemble sur les Champs-Elysées en présence de Lady Baden Powell et du Général Lafont, président du Scoutisme Français.

A la Libération, le Scoutisme Français est installé comme partenaire du jeune ministère de la Jeunesse et des Sports.

Pierre Delsuc (ancien commissaire de la zone nord) devient Commissaire Général des SDF.


Le Scoutisme Français : les années fédérales (de 1945 à 1964)

A sa création et jusqu’au début des années 60, le Scoutisme Français joue un rôle dynamique et fédérateur ; les programmes et pratiques scouts des différents mouvements sont très proches, ce qui facilite le travail en commun et permet des échanges fructueux.

A l’époque, il existe des programmes, pratiques et uniformes normalisés, des unités fédérales et des structures facilitant la pratique en commun de certaines activités comme les collèges locaux, les unités communes (dites fédérales) dans les écoles militaires, dans certains pays lointains ou dans la zone française d’occupation en Allemagne.

Premier exemple de l'implication politique des associations membres du SF : en Algérie le 20 novembre 1954 (trois semaines après le début de la guerre d’Algérie), une lettre ouverte au gouverneur général d’Algérie signée par le Scoutisme Français et 15 autres mouvements de jeunesse dénonce la situation d’oppression. Cette lettre fera un véritable scandale.


Jamboree de la Paix à Moisson

Affiche officielle du Jam 47

En [1947], dans une période de restrictions et grâce à une mobilisation exceptionnelle de tous les acteurs concernés, le Scoutisme Français est ainsi capable d’organiser le Jamboree mondial de 1947 à Moisson près de Paris, dit Jamboree de la Paix, qui rassemble des scouts du monde entier après des années de guerre et d’interdictions.

André Lefevre est toujours après-guerre Commissaire Général des EDF ; malheureusement il décède quelques mois avant l'ouverture du Jamboree. Georges Gauthier est quant à lui Commissaire Général des SDF jusqu'en 1955.

Situé dans une boucle de la Seine en pleine forêt de Moisson, à 70 kilomètres de Paris, le 6e Jamboree international a lieu 2 ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, sous la direction de Henri Van Effenterre. Il rassemble 40 nations et 30 000 éclaireurs dont 15 000 étrangers, 10 000 français et 5 000 visiteurs. Cette véritable ville de toile comprend 15 sous-camps, une grande aire de rencontres et d'échanges : l'Allée des Nations et une grande arène ou Place des Nations.

Pour de nombreux anciens, le jamboree de 1947 est le dernier grand rassemblement unissant sous la même bannière scoute les différents mouvements du Scoutisme Français, en effet, les années qui vont suivre changeront durablement le visage de la France scoute.


Le Scoutisme Français et l'enfance défavorisée

Le Scoutisme Français oeuvre au service de l’enfance défavorisée handicapés physiques, mentaux et jeunes pré-délinquants). Dès 1947, des sessions de formations de chefs inter-mouvements ont lieu sur ce thème à Marly-le-Roi. Jusqu’au début des années 1960, le Scoutisme Français organise à Paris les conférences du Méridien à l’initiative d’Henri Joubrel, commissaire EDF à l’enfance défavorisée.


Tradition, évolution, révolution : les choix des associations

Les rénovations pédagogiques initiées dans les années 1960-1970, non concertées entre les différents mouvements scouts, entraînent un repli sur les programmes et pratiques des associations au détriment d’une pratique fédérale, commune et partageable. C’est notamment le choix de la co-éducation et la création de propositions pédagogiques spécifiques aux adolescents.


Création des Éclaireurs Neutres de France

Au lendemain du Jamboree de 1947, une nouvelle association voit le jour (ce n'est que la première d'une longue série) sous l'impulsion de Marcel Lepage: Les Eclaireurs Neutres de France (ENF). Marcel Lepage juge semble-t-il que les EDF ne répondent plus aux besoins de la jeunesse. Georges Bertier, un des deux membres fondateurs des EDF, rejoint les ENF en 1952 en tant que président.


Scouts de France : la proposition "Raiders"

En 1949, on sent au sein des Scouts de France un ralentissement des ambitions et de la progression chez les éclaireurs. Michel Menu, alors Commissaire National Eclaireurs, mène l'enquête et propose des activités revigorées tout en respectant la méthode préconisée par BP. Il propose de nouvelles techniques utilisant les nouvelles technologies (parachutisme, plongée sous marine, aviation, radios...) et une étape d'engagement supplémentaire post 1ère classe qu'il appela "Raiders".

Le style des nouvelles troupes raiders (dont un béret vert et un insigne métallique particulier les distinguaient des troupes normales) est vite critiqué pour leur coté "commando" et "élitiste" par certains chefs du mouvement. Mais pour les jeunes, c'est un véritable engouement : les rallyes nationaux raiders sont là pour le confirmer (700 raiders pour le rallye de Combrit en 1951, 5 000 raiders pour celui de la Banne d'Ordanche en 1956). On peut noter que l'engouement pour le raiderisme dépasse les frontières du mouvement SDF, puisque qu'il y aura également quelques raiders EDF (cette proposition est ensuite interdite aux EDF).


Scouts de France : la proposition "Pionniers-Rangers"

L'expérience "Raider" étant un franc succès, les cadres Scouts de France sont persuadés que le scoutisme doit aller plus loin et proposer une pédagogie spécifique aux plus âgés des troupes.

En parallèle la branche route évolue et prend des positions syndicales ou politiques de plus en plus fréquentes depuis l'arrivée de Michel Rigal en 1952 au commissariat général (George Gauthier fatigué, démissionne). Enfin, la route se transforme en "mouvement de jeunesse" aux conceptions sociales et religieuses "ouvertes" sur le monde nouveau, ce qui amène Michel Menu à démissionner. Cette période est donc marquée par la Crise de la Route.

A la fin des années 50, François Lebouteux mène la réflexion sur les "vieux éclaireurs" qui pousse à envisager la création d'une nouvelle branche adaptée aux 15 / 17 ans débarrassée du style "commando" des raiders.

Après quelques essais concluant encouragés par Michel Rigal, la nouvelle branche est créée officiellement en 1964. Ce changement de pédagogie est fortement lié à des envies de progresser, de faire évoluer le mouvement pour s'adapter à un monde en voie de socialisation. La réforme est appelée "Pionniers-Rangers" du nom des 2 branches créés grâce à la branche "éclaireurs" : c'est la fin du système des patrouilles comme l'entendait BP.

Le Scoutisme en trois branches pensé par BP est donc revu et corrigé pour s'adapter aux besoins du temps. Dès 1960, certains ne l'entendent pas de cette manière et trouvent les manières de nouveaux responsables SDF un peu osées... L'un des premiers à monter au front est Michel Menu. Il écrit un livre "Scoutisme et engagement" qui s'efforce de redonner du sens à la pensée créatrice de Baden Powell.

Le choix de la co-éducation : dissolution de la FFE

Dans les années 1960, trois associations font le choix de la co-éducation, éducation concertée entre garçons et filles. La Fédération française de éclaireuses (FFE) s'auto-dissout en 1964 ; sa section neutre rejoint les EDF pour créer les EEDF, la section israélite rejoint les EIF en 1969 pour créer les EEIF et la section unioniste (protestante) se fédère en 1970 avec les EUF pour créer la FEEUF.

Le rassemblement des cadres Scouts de France et Guides de France à La Trivalle en 1973 donne à penser que ces deux mouvements vont faire, eux aussi, le choix du partenariat et de la co-éducation. Il n'en sera rien en raison du refus des Guides de France. Les Scouts de France font alors seuls le choix de la co-éducation dans leur projet éducatif et ouvrent leurs unités aux filles.

Il faudra attendre 2004 pour que les Scouts de France et les Guides de France fusionnent dans un même mouvement : les Scouts et Guides de France (SGDF).

Création des Scouts Unitaires de France

Ces innovations pédagogiques ne sont pas acceptées par certains ; des mouvements scouts se développent qui entendent rester fidèles à la méthode scoute d’origine : distinction éducative et matérielle des unités de filles et de garçons, maintien d’une branche "éclaireur" unitaire permettant une véritable autonomie et vie d’équipes de jeunes âgés de 12 à 17 ans (l’autonomie est moindre avec des équipes de jeunes âgés de 12 à 14 ans dans les "propositions" pour pré-adolescents séparées des propositions pour les adolescents).

Il est intéressant de souligner que dans d’autres pays (notamment chez les scouts américains), ces différentes propositions pédagogiques cohabitent et se complètent, enrichissant l’offre faite aux jeunes et à leurs familles par le mouvement scout.

Les opposants à la réforme initiée par les Scouts de France se font entendre (de nombreuses revues sont éditées). Certaines troupes refusent de suivre les instructions du centre national qui leur demande de se diviser en deux (une unité "Rangers" et une autre "Pionniers"). Elles restent fidèles au "système unitaire" qui désigne le fonctionnement de la patrouille avec des scouts de 12 à 17 ans.

La situation bascule en 1971, date à laquelle Emile-Xavier Visseaux qui a remplacé Michel Rigal en 1970 annonce qu'il ne tolère plus des troupes unitaires au sein du mouvement SDF. Il semble pourtant que certaines troupes unitaires demeurèrent au sein des SDF (une trentaine de troupes en 1983 !) La majorité des troupes unitaires (dont les troupes du groupe St Louis de Paris) s'unissent pour former et créer les Scouts Unitaires de France (SUF) en 1971.

La réforme pédagogique des Scouts de France donne donc naissance à deux mouvements nationaux (SUF et Scouts d'Europe) ainsi qu'à une multitude de groupes autonomes (Scouts St Georges, Scouts de Riaumont, Scouts de Caen, Scouts d'Artois...) qui reflète les divisions du monde catholique.

Développement des Scouts d'Europe

Dans le même temps, vers 1962, Pierre Géraud-Keraod, qui dirigeait un groupe scout breton associé aux Scouts de France, rejoignit une nouvelle fédération scoute créée le 1er novembre 1956 à Cologne par Jean Claude Alain, la "Fédération des Scouts d'Europe" (F.S.E.); celui-ci avait été proclamé commissaire fédéral international par une assemblée de chefs allemands démissionnaires des Europa-Scouts. Très vite Jean-Claude Alain fut éjecté de son poste pour une être remplacé comme Commissaire Général des Scouts d'Europe par Claude Pinay qui sera à son tour révoqué. "PGK" et sa femme prirent alors définitivement les commandes de la FSE.

Cette association est caractérisée par une dimension catholique, fédérale et européenne. Sa sensibilité religieuse est celle de certains courants religieux catholiques soucieux de rénover et retrouver au niveau européen un scoutisme catholique missionnaire.


Création de la Fédération des Éclaireuses et Éclaireurs

Les réformes initiées chez les EEDF, notamment l'abandon de la plupart des signes et symboles du scoutisme historique, donnent également naissance à de nombreux petits groupes attachés aux traditions scoutes ; ils se fédèrent en 1989 pour créer la Fédération des Éclaireuses et Éclaireurs (FEE).


Aujourd'hui pour demain

Création des Scouts Musulmans de France

Le 9 février 1991, en pleine guerre du Golfe, les Scouts de France et les Scouts Musulmans de France, sous l’impulsion du Cheïkh Khaled Bentounés, signent un protocole de partenariat en présence des représentants des régions arabe et européenne de l’OMMS. En février 1992, le Scoutisme Français accueille les Scouts Musulmans de France comme membres associés, puis comme membres à part entière le 1er janvier 1994, ce qui permet aux SMF d'être membres à la fois de l‘OMMS et de l’AMGE. Le 10 août 1992, les Scouts Musulmans de France ont obtenu leur agrément en tant qu'association nationale de jeunesse et d’éducation populaire. Les SMF tirent leur origine des réflexions et pratiques d’animation et de formation de la jeunesse de culture musulmane par des croyants, engagés dans une action éducative.


État des lieux : Le Scoutisme Français

Rien n'a vraiment changé depuis les années 1970 ; on peut facilement recenser une cinquantaine d'associations dites scoutes en France.

Le Scoutisme Français est membre fondateur de l’Organisation mondiale du mouvement Scout (OMMS) et de l’Association Mondiale des Guides et Eclaireuses (AMGE). Cette fédération rassemble plus de 80.000 jeunes et responsables autour d’une proposition éducative porteuse de valeurs citoyennes, solidaires et spirituelles. En tant qu’associations de jeunesse et d’éducation populaire, ces mouvements sont agréés par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, et les EEDF, EEUdF, EEIF et SGDF sont reconnus d’utilité publique.

Ces cinq associations se veulent réellement représentatives de la société nationale, tant par leurs origines que par les valeurs qu’elles transmettent. Elles s’enracinent notamment dans leur histoire commune, notamment une solidarité forgée dans la lutte contre l’occupant nazi lors de la seconde guerre mondiale (à l’exception des SMF, fondés plus tard).


État des lieux : les neuf mouvements scouts agréés par l'État

A la différence du Mouvement Sportif et de ce qui se passe dans de nombreux autres pays, la pratique du Scoutisme n'est pas protégée réglementairement en France : n'importe qui peut créer une association dite "de scoutisme" mais l "accueil de scoutisme" est désormais réglementé.

L'État (Ministère de la Jeunesse et des Sports) a agréé neuf associations scoutes comme mouvement de jeunesse et d'éducation populaire.

En plus des cinq associations membres de la fédération du Scoutisme Français, ce sont quatre mouvements qui regroupent près de 50 000 jeunes et responsables : l'Association des Guides et Scouts d'Europe (mouvement catholique), les Éclaireurs Neutres de France (mouvement neutre), la Fédération des Éclaireuses et Éclaireurs (mouvement laïque) et les Scouts Unitaires de France (mouvement catholique).

En plus des ces neuf mouvements scouts de dimension nationale agréés par l'État, il y a de nombreuses associations locales et régionales se réclamant du Scoutisme, fondées souvent sur une spécificité religieuse.


Le centenaire du scoutisme en 2007 : un nouveau chemin ?

Plusieurs des manifestations commémorant en France le centenaire du Scoutisme en 2007 ont été l'occasion pour les responsables de ces différents mouvements de se rencontrer et de se parler officiellement ou officieusement.

Le début d'une nouvelle histoire ? Espérons-le.



Cartographie des principaux mouvements scouts français par effectif et affiliation religieuse


Liens internes

  1. Scouts et Guides en Bretagne editeur : Yoran Emmbanner Auteur : Christophe Carichon ISBN 978-2-916579-10-8
  2. thèse sur l'histoire de la Mission Populaire Évangélique, auteur Jean Paul Morley