Accident de scoutisme marin de Marseille du 4 avril 1938

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Plaque commémorative

Le 4 avril 1938, un drame de la mer endeuilla le scoutisme marseillais.

La tartane "Saint-Louis"

En 1933, Jean Icard, chef scout réputé, connaissant parfaitement la mer, breveté du camp-école national des Scouts marins de France à Noirmoutiers, avait fondé la première unité de scouts marins à Marseille. Elle avait débuté par la patrouille de la Mouette (C.P. René Morgan) et avait rapidement grandi. Jean Icard avait alors acheté une solide tartane (petit navire à voile typiquement méditerranéen) de 28 tonneaux et 14 mètres de longueur, baptisée "Saint-Louis" ; elle prenait très souvent la mer pour des exercices d'entraînement et des loisirs.

Le départ

Le matin du 3 avril, "Saint-Louis" quitta le Vieux-Port avec 19 personnes à bord. Toutes les précautions d'usage étaient prises ; on avait embarqué une trentaine de ceintures de sauvetage, des provisions, du carburant pour le moteur, et le Docteur Barbot était présent. La brume se dissipait, le soleil rayonnait. Ce fut une agréable promenade, Méjan, Carry-le-Rouet, Sausset-les-Pins furent doublés. L'escale à Port-de-Bouc fut des plus joyeuses. Vers 17 heures on prit le chemin du retour. La nuit commençait à tomber. Les feux de positions furent allumés quand brusquement la brise fraîchit ; la houle de plus en plus violente fit rouler la tartane sur le bord, et en quelques minutes une terrible tempête fit rage.

La tempête

Le chef de bord, prenant conscience du danger, demanda aux scouts de mettre les ceintures de sauvetage, d'enlever leurs chaussures et tous les habits qui pouvaient les encombrer et de n'obéir que sur son ordre. Le moteur fut lancé mais un paquet de mer le mit hors d'usage... Les scouts tentèrent de hisser un foc pour essayer de rejoindre la rade de Marseille mais le vent tourna et déporta le navire au large. Le foc se déchira. Le bateau dériva sur la point des Goudes et son avant heurta les rochers.

Minuit venait de sonner, la tempête déferlait avec une violence extrême, d'énormes vagues se brisaient sur les rochers lançant des embruns très loin. Soudain les lames firent reculer la tartane de quelques mètres et trois scouts furent précipités à la mer. L'un des jeunes, excellent nageur, essaya de s'accrocher au bord. Ce fut en vain. Dans la nuit noire et l'ouragan il fut emporté avec ses deux infortunés compagnons.

Les victimes

  • Charles Roman, employé. Il avait 17 ans.
  • André Toulme, routier au 14e groupe, membre de la JEC, élève de mathématiques spéciales au lycée Thiers. Il avait 17 ans.
  • Jean Bado, étudiant. Il avait 18 ans.

Les rescapés

Les naufragés se sont dirigés vers le port-abri des Croisettes. Mais les cabanons étaient tous vides. C'est alors vers le port des Goudes que se sont dirigés les seize rescapés. Il furent accueilli au bar "Paul", par Monsieur Gaggero. Des voisins sont venus apporter leur aide. Plusieurs scouts avaient des blessures sans gravité ; l'un avait été fouetté avec violence par le maillon d'écoute d'un foc et saignait abondamment ; un autre avait reçu un coup au bassin en débarquant, d'autres avaient eu les pieds, les jambes et les bras écorchés en sautant sur les rochers.

Les secours

À 3 heures du matin, le propriétaire du bar de la marine a prévenu la police et les pompiers. Les scouts ont alors été emmenés pendant que les secours tentaient de découvrir les victimes. Les recherches commencèrent avec le remorqueur Marseillais-3, le bateau-pilote Massalia, le bateau garde-pêche Gardien Cosmao, la vedette Pomègues et les pêcheurs des Goudes. À la fin de la matinée, le mistral tomba et les recherches devinrent plus facile. Ferdinand Gemini sur son bateau La Jeannette, retrouva vers 13 heures le corps de Charles Roman près de Callelongue, puis celui d'André Toulme entre Riou et l'île Plane. En fin d'après-midi, les marins du Garde pêche retrouvèrent le corps de Jean Bado proche de l'île de Riou.

Conséquences

Ce drame provoqua en France une profonde émotion.

Jean Icard passa devant le tribunal maritime (comme prévu par le code maritime), où il fut conclu que le chef n'avait commis aucune faute ou imprudence.

« Le Chef avait parfaitement dirigé son navire pendant la tempête et maintenu l'unité de l'équipage dans la discipline. Il avait parfaitement rempli ses obligations. »

Les parents des scouts marins, y compris les familles des trois jeunes gens décédés, avaient déjà manifesté leur entière confiance à Jean Icard. Il n'y eu aucune défection chez les scouts marins qui continuèrent à mener sur mer leurs activités.

Hommage

Le cortège des unités marseillaises, scouts marins en tête avec les étendards voilés de noir, se rendit aux obsèques devant des passants recueillis. La messe eut lieu dans l'église Saint Joseph noire de monde.


Une plaque commémorative fut scellée dans la roche sur la pointe de la Baleine où ils furent précipité dans les flots.

Le témoignage du Docteur Barbot

« Tout alla bien jusqu'au travers du Cap Couronne ; la mer était assez agitée et par surcroît de prudence, le chef de bord avait fait amener la grand'vergue sur le pont. La mer devenant plus grosse, le moteur travaillant beaucoup se mit à chauffer et un gros paquet de mer, embarqué par l'arrière, le mit hors d'usage. On hissa un foc, mais le vent tourna en tempête vers 21 heures, empêchant le bateau de faire route vers le fond de la rade et le déporta au large de la pointe Ouest des îles du Frioul, derrière lesquelles il ne fut pas possible de s'abriter. Un moment après, le foc se déchira et le bateau en dérive, poussé par le vent, traversa la rade et fut lancé sur la pointe des Goudes, l'avant sur les rochers.

Depuis le début du gros temps, le chef de bord, conscient du danger, avait ordonné aux scouts de se munir de leur ceinture de sauvetage, d'enlever leur chaussures et vêtements encombrants, et de n'agir strictement que sur ses ordres. Au moment de l'échouement, le chef se rendant compte que l'avant du bateau et son bout-dehors se trouvaient appuyés sur les rochers, formant une passerelle, donna l'ordre de passer par l'avant, ce qui fut fait dans le plus grand calme. Lorsque les scouts se retrouvèrent, trois manquèrent sur les dix-huit de l'équipage. Je tiens à rendre hommage au chef qui quitta le dernier son bord après s'être assuré qu'il n'y avait plus personne. »