André Basdevant
André Basdevant (1908-1999) fut secrétaire général du Scoutisme français de 1940 à 1944. Il joua un rôle capital dans une époque particulièrement complexe.
André Basdevant est issu d'une famille de juristes protestants. Son père, Jules Basdevant, fut un grand professeur de droit international et un juriste au ministère des affaires étrangères. Il démissionna avec fracas le 29 mai 1941 pour protester contre l'autorisation donnée par le gouvernement de Vichy aux avions allemands d'utiliser les aérodromes de Syrie pour combattre les Anglais. André Basdevant devient avocat en 1929 après avoir été lauréat du concours général des facultés de droit et diplômé de l’École libres des sciences politiques.
Carrière scoute avant-guerre[modifier | modifier le wikicode]
Il était totemisé Loup Solidaire. Après avoir dirigé dans les années 30 une troupe d’Éclaireurs unionistes à Clichy, André Basdevant continue ses activités chez les Eclaireurs de France. Il est l'un des organisateurs de la visite de Baden-Powell à Paris en décembre 1936 avec Eugène Arnaud et Marise Fischbacher [1]. Il est en 1940 commissaire régional des Eclaireurs de France pour l'Ile de France et membre du comité directeur de cette association[2] où il occupera le poste de secrétaire. Depuis 1937 il est secrétaire général du BIF.
Il définit ainsi sa position personnelle :
« "J'étais donc à bien des égards un "laïque" mais sans partager toutes les opinions de la Ligue de l'Enseignement qui me paraissaient inutilement combatives et parfois sectaires. J'étais partisan d'une laïcité plus ouverte" »
.
Secrétaire général du Scoutisme Français[modifier | modifier le wikicode]
Grièvement blessé durant la campagne de mai-juin 1940, durant laquelle il perd un oeil,[3]André Basdevant ne souhaite pas retrouver son cabinet d'avocats à Paris. Il va se consacrer dès lors au scoutisme. En septembre 1940, il devient secrétaire général du Scoutisme Français qui vient d'être créé au camp de L'Oradou. Basdevant est donc au cœur des multiples aspects contradictoires du Scoutisme Français dans une période d'une extrême complexité.
En zone nord, le scoutisme a été interdit par les Allemands. Les protestations du Scoutisme Français restent lettre morte. A l'été 1942, les négociations menées par le secrétariat général à la jeunesse de Vichy avec les Allemands pour une autorisation du scoutisme en zone nord échouent en raison des propositions jugées insuffisantes du Scoutisme Français sur "la question juive".
En zone sud, le Scoutisme Français est vivement encouragé par le gouvernement du maréchal Pétain, au point d'apparaître parfois comme un mouvement de jeunesse officiel. La presse rend largement compte de son enthousiasme maréchaliste visible par exemple lors des Journées nationales du Scoutisme Français des 8 et 9 février 1942 à Marseille[4]. André Basdevant, comme les commissaires généraux des trois associations scoutes masculines, est d'ailleurs décoré de la Francisque, l'insigne officiel du régime, lors d'un diner privé le 18 mars 1942 chez le maréchal Pétain[5].
Mais cette proximité relative avec le régime n'empêche pas une nette prise de distance sur les sujets les plus graves : la question du scoutisme juif et celle du mouvement de jeunesse unique. Cette situation conduit Basdevant à avoir des contacts étroits avec la France libre à partir de 1943.
La défense du scoutisme juif[modifier | modifier le wikicode]
En juin 1941, Basdevant se rend d'urgence en Algérie, par avion, avec Pierre François, commissaire général des Eclaireurs de France et le RP Forestier, aumônier général des Scouts de France, pour empêcher l'extension à l'Algérie de l'interdiction des Éclaireurs israélites de France déjà réalisée en Tunisie. En métropole, les démarches menées en décembre 1941 par le Scoutisme Français auprès de Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives permettent aux Éclaireurs israélites de France de continuer à exister au sein du Scoutisme Français malgré l'interdiction de leur mouvement le 7 mars 1942. Cette situation sera jugée intolérable par Darquier de Pellepoix, successeur de Vallat. Il décide, malgré les interventions du Scoutisme Français, une seconde interdiction, totale et définitive, des Éclaireurs israélites le 5 janvier 1943. Fin 1942, le Scoutisme Français s'était déjà opposé au projet de texte, préparé par les services de Darquier de Pellepoix, interdisant aux Juifs d'appartenir à un mouvement de jeunesse.
André Basdevant n'hésite pas à prendre des risques personnels importants quant à l'aide aux Juifs. Il n'en fera jamais publiquement état. On sait depuis peu, qu'à partir d'octobre 1943, Basdevant cache chez lui une jeune éclaireuse juive, Françoise Dennery. Officiellement, elle s'occupe des enfants Basdevant. Ses sœurs, également éclaireuses, sont cachées chez Pierre François et chez René Duphil. L'affaire prend un tour particulièrement étonnant quand on sait que tout ceci se passe à Vichy au pavillon Sévigné où demeure ... le maréchal Pétain. - . [6].
La lutte contre le mouvement de jeunesse unique[modifier | modifier le wikicode]
Le Scoutisme Français s'appuie sur les éléments du régime de Vichy refusant le mouvement de jeunesse unique prôné par son aile fasciste. Sa position rejoint celles des églises catholique et protestante. La création courant 1942 des Équipes nationales fait l'objet d'âpres négociations avec le Secrétariat général à la jeunesse, celles-ci voulant constituer une structure englobant tous les mouvements de jeunes existant, ce que refuse le Scoutisme Français. A partir de 1943, celui-ci s'efforce de décourager les tentatives menées par la Milice française en direction des jeunes.
Les contacts avec la France libre[modifier | modifier le wikicode]
A l'été de 1943, André Basdevant réserve un bon accueil à la Mission Fraval : Jean-Louis Fraval, émissaire de la France libre, est parachuté en France, pour contacter les mouvements de jeunes et les sonder sur leurs positions à ce sujet. Basdevant lui explique que le Scoutisme Français avait cru devoir s'associer à l'effort du Secrétariat général à la jeunesse, le secteur "Jeunesse" paraissant le plus sain de Vichy.
La position de Basdevant lui permet de faire rencontrer à Fraval les dirigeants des Eclaireurs de France, des Eclaireurs unionistes, de la Fédération française des éclaireuses et des Guides de France. Il déconseille à Fraval de rencontrer les Scouts de France, se chargeant de les contacter lui-même.
Basdevant a aussi des contacts suivis avec Eugène Claudius-Petit, membre du comité directeur des Mouvements unis de résistance. Celui-ci est chargé de la coordination des Forces unies de la jeunesse. A ce titre, il a de nombreux contacts avec le scoutisme et plus spécialement Eclaireurs de France. Basdevant le totémise Fin Castor lors d'un camp à La Féclaz, probablement à l'été 1943. A partir de novembre 1943, Claudius-Petit représente les mouvements de résistance à l'Assemblée consultative d'Alger.
Il sera proposé à Basdevant en décembre 1943 de rejoindre Alger et les services de la jeunesse de la France libre. Celui-ci préfère rester en métropole. Il est nommé chargé de mission pour les questions de jeunesse par le Comité français de libération nationale
En mars 1944, André Basdevant transmet à Alger, siège de la France libre, un ambitieux projet de réorganisation des services de la jeunesse pour l'après-guerre. Le rapport est transmis par la valise diplomatique, l'un de ses frères étant en poste à l'ambassade de France en Roumanie. Ce rapport développait notamment l'idée des conseils municipaux de jeunes qui sera mis en œuvre bien plus tard.
Le débat parlementaire du 6 décembre 1944[modifier | modifier le wikicode]
Un débat à l'Assemblée consultative provisoire le 6 décembre 1944 reflète bien la complexité de la situation de Basdevant et du Scoutisme français en 1940-1944.
A l'occasion d'un débat sur les crédits attribués à la jeunesse, Jean Pronteau met directement en cause André Basdevant : "
« "qui dirige le scoutisme depuis 1940 et qui a porté la Francisque pendant un an et demi" »
Il est vivement repris par Eugène Claudius-Petit. Celui-ci, sans lien avec le scoutisme, l'a découvert durant la clandestinité à la suite de ses contacts avec Basdevant. Claudius-Petit défend vivement et longuement Basdevant et son action clandestine.
Pronteau est aussi un résistant, l'un des dirigeants des Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP). Proche du Parti communiste qu'il va rejoindre, il est appuyé dans son intervention par deux autres dirigeants des FUJP, Guy de Boysson, également proche des communistes, et par René Laurin. Celui-ci est l'un des fondateurs des Jeunes chrétiens combattants qui font partie des FUJP. Membre de l'Association catholique de la jeunesse française, il a tout juste 23 ans. Son intervention ironique met vivement en cause les scouts :
« "Je voudrais simplement constater, sans aucune acrimonie, et sans vouloir passionner ce débat, qu'il est quand même paradoxal que ces charmants jeunes gens en culottes courtes appelés "scouts" dans notre beau pays de France et qui, en toutes circonstances, ont fait une haie d'honneur au maréchal Pétain aient été les seuls à être subventionnés jusqu'au moment où Monsieur le Ministre nous a fait l'honneur, et nous l'en remercions, de nous accorder ces crédits" »
Eugène Claudius-Petit riposte vivement en apportant de nombreuses précisions sur l'action clandestine de Basdevant et sur son caractère précoce.
« "Avant même l'existence des Forces unies de jeunesses patriotiques, et au moment de la création des forces de la jeunesse en zone sud, un accord fut signé par M. Basdevant, au nom du Scoutisme Français, pour diriger sur le maquis tous les Routiers, c'est-à-dire les jeunes gens qui savent vivre dans la nature et qui devaient apporter à leurs camarades ouvriers engagés dans la lutte les possibilités de vivre dans de meilleures conditions dans la campagne ou dans la montagne.
J'ai vécu, je pourrai apporter les dates et fournir tous les détails nécessaires, dans les camps organisés par M. Basdevant, notamment au chalet de l'Aurore[7] où nous réunissions des Routiers de zone Nord ainsi que des jeunes gens appartenant à tous les mouvements du Scoutisme Français, notamment aux Éclaireurs israélites qui étaient interdits et que M. Basdevant camouflait partout où cela était possible" »
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Après avoir rappelé que 25 chefs scouts sont morts au maquis et la part prise par les cheftaines aux activités de la Résistance, Claudius-Petit continue en rappelant qu'un certain nombre de scouts, des chefs éclaireurs et des jeunes filles étaient à l'origine des FUJP.
« "M. Basdevant, puisque aussi bien, c'est de lui qui est en cause, n'a jamais cessé, pendant toute l'année 1943, de mener exclusivement une action de résistance et si vous voulez relire le rapport de l'envoyé spécial venu se rendre compte comment était organisé en France le comité médical de la résistance, vous pourrez voir que c'est grâce aux liaisons établies par les éclaireurs, par les scouts, pendant la période très difficile de la lutte des maquis, que le service médical a pu fonctionner dans tous les maquis de France et en particulier en Savoie. Ce dernier était presque entièrement formé par le Scoutisme Français" »
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L'après-guerre[modifier | modifier le wikicode]
A la Libération, André Basdevant devient directeur adjoint des services de la jeunesse, ceux-ci étant dirigés par Jean Guéhenno. En 1955, il devient docteur en droit après avoir soutenu sa thèse sur "L' épuration administrative sous le contrôle du Conseil d'État". En 1959, il est nommé inspecteur général de la Jeunesse et sports, fonction qu'il occupera jusqu'à sa retraite en 1975.
Il a été maire (PS) d'Anost (Saône-et-Loire) de 1965 à 1989 et conseiller général de Saône-et-Loire de 1979 à 1985. Il a été cofondateur du Parc régional du Morvan en 1970. Il était officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'Ordre national du mérite, commandeur des Palmes académiques, officier des Arts et Lettres et titulaire de la croix de guerre 1939-1940.
Sa femme Jacqueline, cadre de la FFE était totemisée Grand Poulet.
Deux de ses enfants, Claire et Louis (Koala) ont été respectivement cheftaine de louveteaux et chef éclaireur au groupe local Paris-Luxembourg des Éclaireurs unionistes de France à la fin des années 1960 et au début des années 1970.
Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
André Basdevant, « Les services de jeunesse pendant l'Occupation », dans Revue d'histoire de la deuxième guerre mondiale, n°56, octobre 1964, p. 65-88. Texte capital, écrit à la demande de l'historien Henri Michel. Basdevant n'y fait pas apparaître son propre rôle.
André Basdevant, « D'Alger à Paris. Les structures, les hommes et leurs œuvres. Un entretien entre André Basdevant, directeur adjoint des mouvements de jeunesse et de l'éducation populaire (1944-1948) et Jean-Paul Martin », dans Les Cahiers de l'animation, n°57-58, décembre 1986, p. 115-125.
André Basdevant, « Réponse à des contre-vérités ... Les Éclaireurs de France pendant la guerre et l'Occupation. Une mise au point d'André Basdevant », dans Le Trait d'Union, revue de l'Association des anciens éclaireuses et éclaireurs (AAEE), n°75, mai 1992, p. 6. Basdevant régit vivement au livre de Pierre Giolitto "Histoire de la jeunesse sous Vichy" qui écrit "Le scoutisme s'est donné corps et âme à la Révolution nationale". Basdevant y rappelle son rôle et dénonce les raccourcis hâtifs.
André Basdevant et Pierre Cazenavette, « Le scoutisme », dans Mouvements de jeunesse, École nationale des cadres d'Uriage, 1942, p. 11-37.
André Basdevant, « Le scoutisme », dans Encyclopédie pratique de l'éducation en France, SEDE, 1960, p. 995-1006.
- André Basdevant, "Présentation au lecteur français", introduction du Guide du chef éclaireur de Baden-Powell, 10e édition, éditions Delachaux et Niestlé 1965.
Biographie[modifier | modifier le wikicode]
- Notice "André Basdevant" par Françoise Tétard et Marianne Lassus, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social de 1940 à 1968, vol. 1, Les éditions de l'Atelier, 2006, p. 376-377.
- Notice dans le Who's Who
Liens externes[modifier | modifier le wikicode]
- 1943 : hébergée à Vichy par les E.D.F. sur histoire-du-scoutisme-laique.fr, 23 avril 2010. Consulté le 6 décembre 2021
Boris Thiolay, « Les derniers secrets de l'Occupation, cachées à Vichy », dans L'Express, 16 avril 2008 [texte intégral].
- 1943 : Le rapport Fraval : les Mouvements de jeunesse et la Résistance sur histoire-du-scoutisme-laique.fr, 23 avril 2010. Consulté le 6 décembre 2021
Notes et références
- ↑ André Basdevant, « D'Alger à Paris. Les structures, les hommes et leurs œuvres. Un entretien entre André Basdevant, directeur adjoint des mouvements de jeunesse et de l'éducation populaire (1944-1948) et Jean-Paul Martin », dans Les Cahiers de l'animation, n°57-58, décembre 1986, p. 117.
- ↑ Annuaire des Eclaireurs de France, 1940, p. 3 et 33
- ↑ Le Chef, janvier 1941, n°210, p. 13
- ↑ La Croix, 13 février 1942
- ↑ La Croix, 19 mars 1942
- ↑ Voir le témoignage d'Annette Dennery.
- ↑ "Il s'agit manifestement du site du camp de La Féclaz où Claudius-Petit fut totémisé"