Pierre Bellemare

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Pierre Bellemare
Pierre Bellemare au salon du livre
Pierre Bellemare au salon du livre
29 octobre 1929 · 26 mai 2018

Célébrité

Célébrité.

Personnalité scouts de France

Scouts de France.

Personnalité française

France.

Né à Boulogne Billancourt le 29 octobre 1929, Pierre Bellemare a été scout dans la 38e Paris à St Dominique des Scouts de France. Il y est CP de la patrouille des Coqs. Dans le journal Paris Match du 13 janvier 2009, il raconte comment un classique Jeu de ville à base de repérages en 1944, époque du scoutisme clandestin, a failli se transformer en drame du fait de la Gestapo. Dans son autobiographie parue en 2011, il consacre un chapitre à sa période scoute qui a duré de 1940 à 1945.

Il a déclaré "J'ai toujours été très fier d'être scout.Toutes les règles élémentaires qui m’ont formé chez les scouts me sont dix fois plus utiles aujourd’hui que l’enseignement reçu à l’école". Pierre Bellemare a fait une exceptionnelle carrière d'animateur radio et télé.

En 1957, il fait gagner à la 188e Paris SDF un autobus réformé de la RATP. Ce bus baptisé Tonio sera partagé entre les scouts et le patronage paroissial puis passe en fin 1961 à la 201e Paris. De même, Pierre Bellemare participe au lancement de Copainville.

Témoignage[modifier | modifier le wikicode]

« C’était l’Occupation. Avec ma patrouille de scouts, on jouait aux résistants. Un soir d’avril 1944, avec mon copain Michel, nous montons sur les toits de mon immeuble malgré le couvre-feu. Et soudain, en bas sur la place, des cris. Alerte aux « terroristes » ! Bientôt, les Allemands sont là…

J’ai 14 ans. La vie sous l’Occupation est un combat permanent que les Français mènent bon gré mal gré, à travers les alertes, les bombardements et les privations. Nous devons faire preuve de débrouillardise, de prudence et de discrétion. Et cela, même si les rumeurs sur la libération imminente du pays s’amplifient. Nous sommes en avril 1944. La France vit dans l’attente d’un débarquement des troupes alliées et d’une reprise de la guerre sur son sol.

Les actes de résistance dans la région parisienne se multiplient. Des plus importants aux plus anodins. Lorsque je me rends à l’Ecole alsacienne dans le VIe arrondissement de Paris, je passe par exemple chaque jour devant un libraire qui affiche en devanture cet écriteau : « Un peuple qui lit est un peuple sauvé, les Français lisent beaucoup ».

En dépit de l’interdiction des Allemands, je suis entré dans la « Trente-huitième », une troupe de scouts de France qui a pour centre la paroisse Saint-Dominique, dans le XIVe arrondissement. A l’abri des lumières et des patrouilles menaçantes, on se cache pour « jouer » aux résistants. Je gravis les échelons, et deviens chef de mon unité, la « Patrouille des Coqs ». Chacun doit réussir des épreuves, dont celle d’orientation. En tant que chef, je fais passer ce test, en cette fin d’après-midi printanier, à Michel, un compagnon de mon âge. J’habite boulevard Saint-Jacques, une avenue très large située entre la place Denfert-Rochereau et la place d’Italie. Face à mon immeuble, un grand terre-plein garni d’arbres encore nus. Nous grimpons au dernier étage dans une chambre de bonne inoccupée qui sert de grenier à ma famille. Par un soupirail, nous nous faufilons sur le toit. Ne pas s’attarder, et faire attention au couvre-feu à venir. Sans « Ausweis », interdiction de sortir la nuit.

Je tiens entre les mains un plan de Paris. J’interroge Michel, lui demande de me localiser certains monuments et rues par rapport à la boussole. Ce n’est qu’un jeu, un rituel de scouts. Pourtant, de faibles exclamations parviennent soudain à nos oreilles. A une cinquantaine de mètres, sur le terre-plein, un groupe de cinq personnes est en train de nous pointer du doigt. Et voilà qu’ils crient et sonnent l’alerte aux « terroristes » ! C’est ainsi que beaucoup de Français surnommaient les résistants. Notre échappée belle sur les toits de Paris tourne au cauchemar. Je crie à Michel : « On descend ! Vite ! » Je fais le chemin inverse par le soupirail et la chambre de bonne à vitesse grand V. Michel parvient à s’enfuir. Je me hâte vers l’appartement familial, me réfugie dans la salle de bains, et trempe mon énorme tignasse de cheveux dans l’eau. Puis je les aplatis et change de vêtements.

Un quart d’heure passe. Je suis soulagé. Mais des crissements de pneus parviennent de la rue. Des pas rapides et lourds gravissent les escaliers. J’entends tambouriner à toutes les portes de l’immeuble. Je fixe la nôtre de mes yeux écarquillés. De puissants coups de poing la frappent. Mon père ouvre et se heurte à un duo vêtu de cuir sombre. La Gestapo. « Sortez tout de suite ! » nous crient-ils. Mon sang se glace. En descendant les marches, je vois les portes ouvertes à chaque étage. Tous les résidents ont été « priés » de sortir. A l’extérieur, j’aperçois un déploiement de forces inouï. Un car, chargé d’une vingtaine de policiers français, bloque le boulevard Saint-Jacques. A deux pas, une colossale voiture allemande noire. Puis le groupe de cinq Français et Françaises du terre-plein, discutant avec les responsables de la Gestapo.

Les policiers apportent une table et la disposent en pleine rue. Les cinq Français s’installent derrière. On nous intime l’ordre de former une file indienne. « Nous recherchons des terroristes ! » vocifère un gestapiste. Mon cœur se bloque. Tous les gens du quartier passent à l’identification ! A deux pas se trouve la prison de la Santé. Je m’imagine déjà derrière les barreaux. Les identificateurs scrutent chaque personne et miment « oui » ou « non » de la tête. Que des « non », pour l’instant. Encore quatre personnes et mon tour viendra. Encore un « non ». Plus que trois personnes, dont mon père. Trois « non ». A moi de subir l’humiliant examen. Je me ressaisis et tente d’afficher un regard neutre. Je mesure 1,78 mètre et passe facilement pour un jeune adulte, mais j’arbore une culotte courte que je ne portais pas sur le toit. Je prie pour que mon déguisement fonctionne. Les personnes étant assez loin, elles doivent je l’espère ne se rappeler que de mes longs cheveux. Les identificateurs ne prononcent pas un mot. Je ne dois pas trembler, pour qu’ils ne hurlent pas « C’est lui ! ». Une rapide analyse visuelle, de haut en bas. Des secondes éternelles. L’un d’eux crie : « Non ! » La frayeur de ma vie se métamorphose en soulagement absolu. Mais je reste dégoûté par ces Français qui se prêtent à ce jeu effrayant, pour dénoncer d’autres Français. De sinistres cons. M’ont-ils laissé partir parce qu’ils ont compris que je n’étais qu’un gosse ? Je ne le saurai jamais.

Personne du quartier n’a été arrêté. De retour à l’appartement, je reçois en guise d’accueil une gifle monumentale de mon père. La première et dernière de mon existence. Fou de rage, mais surtout de peur, il a compris que c’était moi que l’on recherchait. »

Paris Match, le 03 juillet 2007 par Julien Jouanneau.